Samedi 27 avril 2024

Je n’irai pas par quatre chemins, de toutes les façons, je n’ai que deux jambes ; hier soir j’ai comme ils disent pris cher dans la tronche. Mais avant de vous dire pourquoi, sachez que je fus fort étonné de voir le Crescent maconnais loin d’être plein car, de mon point de vue, Manu Codjia est une référence pour laquelle tout amateur de jazz devrait se déplacer sans sourciller. Invité par la paire rythmique appelée Band of Dogs (Philippe Gleizes et Jean-Philippe Morel), dont je n’ignorais pas la puissance de feu, cela aurait dû suffire pour délaisser la télé ou les plates-formes. C’est du moins ce que je pensai naïvement en écoutant la bidouille introductive du premier set, le truc qui vous fait penser « quand vont-ils réellement commencer » au moment précis où ils débutent sur vos ouïes une dévastation systémique. Je notai d’abord que le son de l’invité était en dessous de celui des deux chiens enragés. Ne pas être à même de saisir les subtilités du jeu codjien noyé dans un magma sonique, je trouvai cela un peu chiant. Je constatai également que le trio était trop souvent un 2+1, que la paire rythmique avait quelque peine à laisser entrer le guitariste dans son tonitruant univers. J’assimilai finalement ce premier set à une avalanche sonore free rock bien sentie. Certains spectateurs qui n’avaient visiblement jamais passé le mur du son profitèrent de la pause pour filer en douce prendre rendez-vous chez l’Orl. Au second set, miracle de la technique, Manu Codjia fut parfaitement audible. Comme en sus, il fut intégré par la paire rythmique, j’eus droit à un beau set, plus varié et plus construit que le précédent, où le trio fit corps autour de la musique. N’allez pas croire qu’ils baissèrent le volume pour autant. La machine sonique en furie distribua les baffes jusqu’à faire pleurer les dents. Inutile de parler encore des oreilles néophytes qui mendiaient une place aux urgences en rêvant de Francis Albert Sinatra. J’avoue, avec quelques compères qui jamais ne dénigreront le foutage de bordel sonore, nous en rîmes de bon cœur. Dans nos sociétés qui misent sur le gris neutre et la prévention, la correction et l’affadissement systématique, quelques musiciens assumant de casser les codes normatifs en vigueur, c’est toujours du bonheur. Tout ça un 27 avril, jour où naquit Caroline Rémy (1855-1929), dite Séverine, féministe, connue entre autres pour ses Notes d’une frondeuse et première femme à diriger un grand quotidien, Le cri du peuple. Ce fut aussi le jour choisi par Olivier Messiaen pour disparaître (1908-1992), ce qui (au risque de me faire plein de nouveaux « amis ») ne me dérangea pas vraiment, voire pas du tout, mais alors pas du tout du tout…


Manu Codjia : guitare
Jean-Philippe Morel : basse
Philippe Gleizes : batterie


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