À propos du disque “Kubic’s Monk" de Pierrick Pédron. Jean Buzelin tente un petit décrassage des oreilles et un rafraîchissement de mémoire... Billet d’humeur !
Une couche supplémentaire venant de s’ajouter aux louanges dithyrambiques ayant salué le disque "Kubic’s Monk" par le biais de Télérama — comme par hasard — dans son supplément Sortir du 05/12/12, il me paraît intéressant et amusant de tenter un petit décrassage des oreilles et un rafraîchissement de mémoire. Notons au passage que l’article intitulé “Monk & Merveilles", signé M.Z. (Marc Zisman ?), s’ouvre sur un chapô qui nous prévient que "ça déménage", comme si déménager était une qualité musicale, et comme si c’était un argument critique ! Passons.
Ce que je retiens surtout dans ce commentaire, et dans d’autres — enfin, Pascal Anquetil ! —, c’est l’étonnement général dans le fait de jouer Monk sans piano.
Quelle audace ! Quelle nouveauté !
Steve Lacy jouait et enregistrait Monk sans piano dès 1960 (il y a 52 ans, vous avez bien lu !) pour Candid. Il récidivait l’année suivante avec un album Prestige/New jazz intitulé précisément "Evidence", avec Don Cherry à la trompette, puis en 1963, avec une séance entièrement consacrée au pianiste-compositeur en compagnie de Roswell Rudd. Il poursuivra ce travail monkien en profondeur à de nombreuses reprises dans les années qui suivront, toujours sans piano… Et sans saxo-ténor, ce qui épate également M.Z. Rappelons que Lacy était quasiment le seul, à son époque, à jouer uniquement du saxo-soprano.
Solliciter l’histoire est toujours instructif, le recul permettant de relativiser les choses et de ne pas foncer oreilles baissées sur tout ce qui paraît original.
Je ne mets pas en cause le travail de Pierrick Pédron (que je ne connais pas), il s’est donné du mal et a pris des risques, il faut le reconnaître. Et puis l’Evidence des uns n’est pas celle des autres. Mais après avoir subi la sienne avec l’aide tonitruante de son batteur mixé au premier plan, j’en écoutais deux autres enregistrées en concert par Thelonious Monk lui-même en quartette : une Evidence de 1963 avec Frankie Dunlop, qui n’est pourtant pas un génie ni un modèle de finesse, et une de 1965 avec un batteur d’une tout autre envergure, le grand Ben Riley.
Deux manières de jouer, et de ponctuer, différentes, comme celles des batteurs de Steve Lacy que je réécoute en ce moment : Roy Haynes, Billy Higgins, et Dennis Charles, rien que ça !
Écoutez la différence et… trouvez votre Evidence.
.: : Buz (l’empêcheur de swinguer de travers) : :.
Envie de réagir ?
Ne vous en privez pas, les commentaires sont là pour ça !
Le débat est ouvert...
À lire sur CultureJazz.fr :