Ils ont en commun leur participation au Strada Sextet du contrebassiste Henri Texier mais suivent aussi des voies personnelles.
A propos de trois disques marquants.
> Henri Texier Starda sextet : "Alerte à l’eau" - Label Bleu distribution Harmonia Mundi
> Manu Codjia : "Songlines" - BeeJazz - Distribution Abeille Musique
> Christophe Marguet : "Ecarlate" - Le Chant du Monde - distribution Harmonia Mundi
Les années passant, Henri Texier fait figure de sage et de catalyseur d’énergies créatrices. Sa formation actuelle, le Strada sextet est un creuset réunissant des musiciens aux tempéraments forts. Parmi eux, le guitariste Manu Codjia qui fait ses premières armes de leader et le batteur Christophe Marguet, un penseur des tambours.
Mingus criait sa révolte dans les "Fables of Faubus". Henri Texier lance un cri d’alarme à travers un album en douze "Fables de l’eau douce". Le message est percutant : ligne graphique en rouge et jaune, (et noir et blanc pour les photos de Guy Le Querrec), thématique simple et forte. Pas de grands discours, d’effets de styles : la musique doit être vive et fraîche, houleuse ou bouillonnante comme l’eau de la vie. Elle parle d’elle même. Avec ce disque, Texier ne se place pas en leader, encore moins en orchestrateur. Il livre l’essentiel de la matière thématique, laisse le collectif agir et canalise les énergies. Au résultat, cette "Alerte à l’eau" n’est pas un objet sophistiqué et polissé. C’est une oeuvre d’art brut pétrie par des artisans de talent. Entre la danse et la transe africaine (Ô Africa), le reggae rugueux (Reggae d’eau), l’hommage aux géants du jazz (Ô Elvin) et la douce valse finale (Valse à l’eau), le contrebassiste et son collectif nous entraînent dans un monde agité mais jamais désespéré malgré le violence qui émerge parfois (Sacrifice d’eau). Bien sûr et sans surprises, la musique sonne comme "du Texier" mais c’est une marque de fabrique pour un disque d’une grande sincérité : engagé !
On attendait ce premier disque de Manu Codjia ! Il est là et il confirme tous les espoirs qu’on avait construits dans l’attente de l’écoute. Ce monsieur est bien le grand musicien dont on a souvent vanté des qualités toujours perceptibles malgré la grande discrétion du personnage. Dans ce Songlines, il a opté pour la sobriété du trio, formule risquée cependant car elle ne tolère ni les erreurs ni les passages à vide. Avec Daniel Humair et François Moutin, on joue la sécurité mais il faut être à la hauteur. Et c’est bien le cas. La musique est toujours là, parfaitement façonnée et pour retrouver une intensité similaire, on pense à la force du trio Gateway [1] qui réunissait John Abercrombie, Dave Holland et Jack de Johnette. Pour mesurer la richesse de l’univers de Manu Codjia, on pourra s’arrêter sur le contraste entre la finesse de Al Blade (ballade...) où chacun laisse les notes s’épanouir et la dureté du propos de Roc Ferek, sorte de free rock agité mais toujours sous contrôle : l’art des grands ! Daniel Humair, lui-même, parle de Songlines avec beaucoup de chaleur et d’enthousiasme. Pour lui c’est un vrai "disque de jazz". On ne saurait mieux dire. Alors, écoutez-le !
Ecarlate, la couleur est trompeuse. Si vous comptez sur une musique diffusant une douce chaleur comme les braises d’un feu de bois, vous faites fausse route ! Cet écarlate là, c’est plutôt la beauté d’un froid soleil d’hiver : rouge mais vif et cinglant. Le discours de Christophe Marguet ne vise jamais la facilité. Il s’est engagé dans une démarche résolument personnelle avec la contrebasse de Bruno Chevillon (toujours aussi ébouriffant de créativité), les saxophones et clarinettes de Sébastien Texier (la touche plus ronde et mélodique du disque) et la guitare tranchante, hurlante, contestataire d’Olivier Benoit. Ce disque vise un équilibre précaire, déstabilise l’auditeur (l’entrée en matière avec Hésitation en est la preuve). Un choix auquel on n’adhèrera peut-être pas dès la première écoute... ni même aux écoutes suivantes. Parmi les temps forts de ce disque, on retiendra les dix minutes et quarante sept secondes d’Ecarlate, plage qui donne son titre au disque. Chacun prend le temps de s’exprimer et la musique se fait mouvante, la tension est moins sensible. Peut-être le moment le plus jazz d’un disque qui n’a que faire des étiquettes... Et ça, c’est un point très positif !
> Les références :
Sébastien Texier : clarinette, clarinette-alto, saxophone alto / François Corneloup : saxophone baryton / Guéorgui Kornazov : trombone / Manu Codjia : guitare / Christophe Marguet : batterie / Henri Texier : contrebasse
enregistré en avril 206 à Amiens.
1. Afrique à L’Eau / 2. O Africa / 3. Blues D’Eau / 4. Flaque Nuage / 5. O Elvin / 6. Flaque Etoile / 7. Reggae D’Eau / 8. Flaque Soleil / 9. Sos Mir / 10. Flaque Lune / 11. Sacrifice D’Eau / 12. Valse à L’Eau
> Lien : http://www.label-bleu.com
Manu Codjia, guitare électrique et acoustique / Daniel Humair, batterie / François Moutin, basse
enregistré aux studios La Buissonne (Pernes les Fontaines) en septembre 2006 par Gérard de Haro.
1. Lubyes / 2. Jamin’ / 3. Ritournelle : Part I / 4. Ritournelle : Part II / 5. Motion Spivari / 6. N’Yack stuff : bass intro / 7. N’Yack stuff : suite / 8. Al Blade / 9. Nage Mute : Prologue / 10. Nage Mute : Part I / 11. Nage Mute : Drums Interlude / 12. Nage Mute : Part II / 13. Nage Mute : Epilogue / 14. Roc Ferek / 15. Nicolas’ Clock / 16. Free al
> Liens :
Christophe Marguet : batterie / Sébastien Texier : saxophone et clarinettes / Bruno Chevillon : contrebasse / Olivier Benoit : guitare
enregistré en septembre 2005 à Amiens.
1 - Hésitation / 2 - South / 3 - South (Part 2) / 4 - South (Part 3) / 5 - Ornemental / 6 - Selvaggio / 7 - Solaire / 8 - Ballet (N.de S.) / 9 - Ecarlate / 10 - Translucide
> Liens :
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[1] Quatre disques sur le label ECM de 1975 à 1994.