"Zapping"

"J’ai deux amours..." pourrait chanter Furio Di Castri. Le contrebassiste italien voue une égale admiration à deux personnages insolites de la musique du XXème siècle : Thelonious Monk et Franck Zappa. Avec Zapping, il tente (et réussit avec bonheur) une rencontre inédite entre les particularismes de l’un et de l’autre.

on aime !

Drôle d’idée que cet assemblage ? Pas tant que ça à bien y regarder. Monk et Zappa ont en commun un goût pour les thématiques éclopées, les thèmes boiteux, les orchestrations inattendues. La version du célèbre Skippy (de Monk) que propose ici ce sextet européen montre bien les articulations possibles entre les univers des deux créateurs.

La réussite (exemplaire, disons-le !) de Furio Di Castri dans une telle entreprise, c’est de ne pas faire du Monk avec Zappa et inversement mais de se placer en élément catalyseur, dans une vraie posture de compositeur/arrangeur. On ne retrouvera pas ici les percussions-claviers caractéristiques de la musique du moustachu chevelu, influence de Varèse et des grands compositeurs contemporains. Pas plus de références explicite au piano "monkien" dans le jeu subtil de Rita Marcotulli. Chacun des membres du sextet reste lui-même, en particulier Nguyen Le dont la guitare s’intègre à merveille dans cet ensemble.

Furio Di Castri - "Zapping"
Promo Music - sept 2008 - Distribution DG Diffusion

A l’instar de son alter-ego, Michel Bénita dans notre hexagone, Furio Di Castri est un contrebassiste attaché à sa "grand-mère" dodue qu’il sait faire chanter avec une belle virtuosité mais féru de nouvelles technologies, taquineur de laptop et expert en samples. C’est pour cela que Zapping baigne dans une atmosphère résolument actuelle : en introduction, Jazz in the James Bondage annonce la couleur avec ses bribes de discours "catastrophistes" et la guitare déchirante qui conclut sur des riffs chers à Zappa.

On ne manquera pas de noter la composition exceptionnelle de cette formation pour qui est un peu curieux de l’actualité du jazz en Europe. Eric Vlooeimans, une des voix nouvelles du jazz des Pays-Bas se montre tout à fait brillant et précis avec des chorus remarquables (le final de Skippy). Mauro Negri, le troisième italien de l’équipe est un excellent saxophoniste mais c’est sans doute à la clarinette qu’il apporte le plus à ce répertoire. Il fallait un batteur polyvalent solide et subtil pour soutenir cet ensemble : Furio DiCastri a cherché de l’autre côté des Alpes pour trouver, pas très loin, un Joel Allouche qui est souvent bien trop discret dans le jazz français. Sa participation à ce disque nous rappelle que c’est un musicien de grande valeur.

Un conseil, donc, arrêtez-vous sur Zapping : ce disque est vraiment étonnant, riche et revigorant !


> Furio Di Castri : "Zapping" - Promo Music PM CD 014 - distribution DG Diffusion

Furio Di Castri : contrebasse, electronique, samples / Nguyen Le : guitare, electronique / Rita Marcotulli : piano / Eric Vloeimans : trompette / Mauro Negri : sax alto et clarinette / Joel Allouche : batterie

01. Jazz in the James Bondage / 02. Skippy (Thelonious Monk) / 03. Coffee Break Da Mario / 04. God Shave the Queen / 05. Twenty small cigars (Franck Zappa) / 06. Facing the beauty / 07. Born un the USB (Nguyen Le / Joel Allouche) / The Monk Page (F. Di Castri / T. Monk) / Thanh Hoa Bridge (F. Di Castri / N. Le) / 10. Carolina Moon (Benny Davis / Joe Burke)

Enregistré en 2007 (?)


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