21 MAI 2009
Dave Liebman aime les duos. Nous l’avions écouté cet hiver avec Marc Copland pour un concert en demi-teinte, nous l’avons retrouvé en forme avec Jean-Marie Machado. Chez ces deux-là, il n’y a rien à jeter, si l’on peut dire. L’écoute est grande, la créativité n’est pas en reste. Machado et Liebman savent marier les contrastes et se jouer des notes avec aisance. Leur propos est clairement affilié à un jazz moderne qui aime à surprendre par sa liberté et son originalité. Il y a longtemps qu’ils creusent et affinent leur terrain de jeu ; nous récoltons, nous, à chaque concert, le fruit chargé de poésie lyrique de ce labeur au long cours.
Un beau trio, très musical, pour propulser Tony Malaby qui, à chacune de ses interventions, demeure capable de surprendre les oreilles les plus averties. Ce trio + 1 a cependant la limite que sa conception lui impose : 3 + 1, en jazz, c’est différent de 4 ensemble. Plus d’homogénéité entre les voix aurait achevé de nous séduire. Mais ne faisons pas la fine bouche outre-mesure. Ce fut un vrai moment de jazz contemporain où l’improvisation tint son rang avec une science évidente.
22 MAI 2009
Original et percutant sont les mots qui surviennent immédiatement après l’écoute du quartet d’Émile Parisien. Le saxophoniste possède un univers personnel dense et attrayant. L’impression dominante laissée en nous par le quartet est celle d’une pérégrination onirique tentée de tragédie. Cela nous a paru théâtral, sans connotation négative de notre part. On a, par contre, moins apprécié les débauches d’énergie décibelique passagères qui, d’une manière générale, ont nui à la lisibilité musicale de l’ensemble.
Quand l’interaction avec le public disparaît, que les musiciens (tous remarquables par ailleurs) sont appliqués, que la musique est presque neutre à force de justesse, quand le travail (nécessaire en amont) passe, sur scène, avant le plaisir, nous nous ennuyons. nous nous ennuyons, nous nous ennuyons, nous nous... Peut-être sommes-nous passés à côté de l’événement et serons-nous, une autre fois, enthousiasmés. Nous l’espérons.
Ah non ! encore une vingtaine de musiciens sur scène... que des danoises et danois menés par un anglais. Et, ô miracle sur la scène du théâtre municipal ! des trublions rigolards s’occupent à mettre en forme les lubies déstructurantes d’un Bates plus étonnant que jamais. Ici les musiciens prennent leurs soli sur le devant de la scène à l’invitation du maître d’œuvre. Le courant passe, mais gare ! c’est de la haute tension. L’heure est au plaisir musical pur. Qu’il compose ou dynamite de vieux standards, Django Bates partage avec le public une qualité d’écriture indissociable de son inventivité. Et elle est grande. Agrémentée de préambules décalés menés de concert par le maître de cérémonie et son frère (une sorte de Bill Evans années 60 croisé avec un Mister Bean), la soirée fut une réussite incontestée. De l’art d’être sérieux sans se prendre au sérieux.
23 MAI 2009
Voilà un trio qui joue un jazz sensible. L’émotion musicale prime car la technique des musiciens, depuis longtemps assimilée, se fait spontanément discrète. Un luxe rare à une époque où de nombreuses formations s’aventurent dans des compositions si complexes que, malgré l’intérêt que peut susciter l’excellence en la matière, l’auditeur se lasse. Face à des musiciens les yeux rivés à la partition, la notion d’interaction avec le public s’efface et gomme au passage les plaisirs improvisés, source de jazz. Ronnie Lynn Patterson, Michel Bénita et Louis Moutin ont su, eux, aller à l’essentiel : inspiration, écoute et partage.
Que demander de plus sinon de les écouter encore ?
Un bon moment, sans plus, de spectacle théâtro-vidéo-musical où Jacques Bonnafé et Médéric Collignon font la différence par leur présence scénique. Mais de n’avoir pas pris un parti clair, d’avoir voulu trop mêler les genres, cela donne un spectacle un peu trop hétérogène avec un manque de rigueur qui, au théâtre, pardonne difficilement. Le projet n’en n’est pas moins intéressant, mais il requiert, on se répète, une écriture et une mise en scène plus concises.
Le projet s’appelait "Intime in time". Entièrement acoustique, le concert nous a réservé de très bons moments malgré une entame un peu poussive. La science musicale du trio a permis ensuite des échanges d’une grande tenue. Lee Konitz est toujours vaillant et inspiré, Alain Jean-Marie cultive la justesse et la mesure, bien soutenu par Riccardo Del Fra, égal à lui-même dans l’élégance du jeu. La quintessence de la subtilité et de la poésie au service d’un jazz majeur.
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