Un quartet lyrique rend hommage au compositeur bésilien.

La ville de Millau, en Aveyron, n’est plus célèbre pour ses bouchons en période de migration estivale. On y vient désormais pour admirer le viaduc autoroutier qui s’est déplié au-dessus de la vallée du Tarn pour libérer les rues du flot automobile, l’occasion de profiter du festival Millau en Jazz, une manifestation à structure associative [1] qui tient la distance depuis 19 éditions en proposant un programme sans excès avec un budget raisonnable. On y privilégie les échanges et la dimension humaine entre concerts, animations et moments conviviaux dans les ruelles et sur les places de cette ville qui fleure bon le midi.

M. Rocheman, P-O. Govin, J. Govin, J. Allouche : Moonstone Quartet - Millau 15 juillet 2010
Photo © CultureJazz

Ce jeudi 15 juillet, le programme proposait un hommage au compositeur (et guitariste) brésilien Toninho Horta avec, sur scène, le Moonstone Quartet, formation sans leader officiel mais où l’on ressent l’influence du saxophoniste Pierre-Olivier Govin et de Joël Allouche, batteur mélodiste, tellement ancré dans sa région languedocienne qu’on en oublie sa stature internationale. Comme beaucoup de musiciens de leur génération (les quinquas !), ils ont vibré aux musiques de Milton Nascimento, Hermeto Pascoal, Egberto Gismonti ou de Caetano Veloso. Autant dire que pour eux, la musique brésilienne ne se décline pas exclusivement au rythme de la samba ou de la bossa-nova.

C’est peut-être ce qui aura déçu quelques spectateurs en manque de déhanchements frénétiques. La musique de Toninho Horta regorge de trouvailles rythmiques, mélodiques, harmoniques dont les membres du quartet ont fait leur miel pour donner un concert d’une grande intelligence qui ouvreau jazz les portes d’un répertoire peu joué (à la différence des compositions de Milton Nascimento).

M. Rocheman, P-O. Govin, J. Govin, J. Allouche : Moonstone Quartet - Millau 15 juillet 2010
Photo © CultureJazz

Sous les étoiles, les cerveaux disponibles auront pu savourer la finesse du jeu de ce quartet qui nous rappelle que Pierre-Olivier Govin, sideman à l’esprit très ouvert (il figure au casting de nombre de formations !) est aussi un soliste qui possède une sonorité limpide, en particulier à l’alto alors qu’au soprano, il n’est pas sans évoquer Wayne Shorter surtout dans un tel répertoire. À ses côtés, Joël Allouche construit une assise rythmique impeccable, légère et colorée avec le soutien du jeune mais talentueux Joachim Govin (le fils de...). En confiant la trame harmonique à Manuel Rocheman, ce quartet s’assure le soutien d’un des pianistes les plus prisés de l’Hexagone : un musicien de grande valeur.

On ne peut que saluer un tel choix de programmation qui permet au festival "Millau en Jazz" de se démarquer des "grosses machines festivalières" aux programmations souvent stéréotypées. On ne peut que souhaiter que ce quartet ait la possibilité de jouer ce répertoire assez souvent pour le posséder en se libérant de la contrainte de lecture. Manuel Rocheman reconnaissait lui-même avoir joué "le nez dans le guidon"... On ne s’en était pas vraiment rendu compte. Le savoir-faire des grands artistes ? Sans doute !

Concert des stagiaires - Millau en Jazz, 15 juillet 2010
Photo © CultureJazz

En première partie de ce concert, Joël Allouche et Pierre-Olivier Govin encadraient le groupe de stagiaires qui avait travaillé pendant quatre jours sur une thématique "jazz et musique brésilienne" en explorant les ressources de quelques compositions de Milton Nascimento (entre autres). En vrais professionnels, Govin et Allouche ont su gérer l’hétérogénéité d’un groupe qui a joué avec sérieux et enthousiasme. On a pu découvrir ainsi un vibraphoniste (Yves ?), un flûtiste (Thierry ?) et deux guitaristes qui possèdent un potentiel prometteur. À suivre ?

On notera que le festival "Millau en Jazz" reste fidèle à une articulation entre diffusion (concerts) et pédagogie (stage). Ça ne se fait plus guère de nos jours mais il est important de préserver cette "tradition" qui vient des festivals "d’antan", avant que le jazz ne soit une musique reconnue par les structures d’enseignement musical.

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> Liens :

[1Millau en Jazz, qu’administre Philippe Fayret, est adhérent de l’AFIJMA (Association des Festivals Innovants en Jazz et Musiques Actuelles).