Avec Guillaume Perret "Electric Epic" et Frédéric Monino "Around Jaco"

"Tours, Capitale du Jazz !"

Le slogan est audacieux, ambitieux et, sans doute, volontariste puisqu’il fait l’objet d’une campagne d’affichage en grand format en Touraine. Le jazz est sans patrie, sans frontières, libre et volontiers libertaire... A-t-il besoin d’une capitale ?

Forte de son histoire "capitale", de la Renaissance à un épisode de la dernière guerre mondiale, la ville de Tours abrite aujourd’hui des associations actives et dynamiques qui veulent fédérer leurs énergies autour d’un projet commun. Jazz à Tours, le Petit Faucheux, le Département de musique et de musicologie de l’Université, le Conservatoire Régional viennent de lancer le projet "Tours, Capitale du jazz" comme un défi pour accroître le rayonnement artistique de leur ville. Une initiative à encourager ! Rêvons que le jazz ait partout ses capitales...

Le festival Émergences (5 au 20 novembre 2010) est une des composantes de ce projet "capital", juste avant le festival Total Meeting (plus axé sur l’impro pure et intègre) qui se déroulera du 9 au 12 décembre.

Guillaume Perret, saxophoniste hors-normes !
Photo © CultureJazz

Nous avons fait escale à Tours le 12 novembre pour découvrir le Petit Faucheux, une des fertiles oasis du jazz créatif en France et écouter le groupe Electric Epic du saxophoniste Guillaume Perret qui précédait une des versions du quartet "Around Jaco" du bassiste Frédéric Monino.

Le 19 juin dernier, notre arpenteur des lieux parisiens, Alain Gauthier découvrait le groupe Electric Epic au Triton et sous-titrait sa chronique :"Y’a de l’électricité dans l’air, accroche-toi à ton piolet !". Nous ajouterons le conseil avisé des responsables du Petit Faucheux : "protégez les tympans fragiles !" (et servez-vous de petits bouchons d’oreille en mousse rose très seyants mis gracieusement à disposition des spectateurs -doit-on dire auditeurs ?-).

Sur la scène, l’incroyable assemblage d’innombrables de pédales et des amplis corpulents invitent à la prudence : ça pourrait faire mal.

Quand arrive l’obscurité, l’angoisse monte dans le petit amphithéâtre bien rempli (presque 200 places). Lueurs rouge sang sur la scène-arène, les gladiateurs se profilent dans la pénombre et jaillit alors une matière sonore d’une grande densité qui enveloppe la petite salle et vous prend rapidement aux tripes.

Guillaume Perret Electric Epic, à Tours le 12 novembre 2010.
Photo © CultureJazz

Voilà une musique qui génère des émotions, indiscutablement. Un monde sonore inclassable qui résiste à une analyse sur la base des codes conventionnels. C’est fort, en terme de volume sonore et très fort sur le plan du concept musical. Nous reviennent alors en tête deux phrase de l’ami Gauthier : "Juste une musique extra ordinaire. Voire inouïe !".

Nous éviterons donc la paraphrase et vous invitons à (re)lire ce qu’avait écrit A.G. : tout est juste. Nous confirmons ! (lire ici)

Nous ajouterons simplement que la démarche du Guillaume Perret est particulièrement convaincante : il trace sa route en défricheur en assumant totalement la part de risque d’une démarche qui fait de son saxophone un instrument totalement réinventé par les petits miracles de l’électronique (quand on l’utilise à bon escient !). Le groupe est soudé au titane et la mise en place est millimétrique sans que la musique semble pour autant mécanique. C’est animé et habité !

Public sous le choc (émotionnel tout autant que sonore).

Pour succéder à une telle secousse tellurique, il fallait tout le savoir-faire et l’expérience de musiciens aguerris.

François Laizeau (batterie) et Frédéric Monino (basse), à Tours le 12 novembre 2010.
photo © CultureJazz

Très sereinement, la formation réunie par le bassiste Frédéric Monino a repris les affaires en main en réveillant la mémoire de Jaco Pastorius, LA référence de Monino.

À la basse "5 cordes" (une de plus que Pastorius !), Monino n’a aucun mal à emmener ses trois compères dans l’univers du bassiste prodige, étoile filante qui a laissé des traces inaltérables. À travers des compositions de Pat Metheny (Bright Size Life), Herbie Hancock (Speak Like a Child) et Pastorius lui-même (Liberty City et d’autres), le quartet distille un jazz vivant qui met en valeur les qualités des solistes : Franck Tortiller, toujours brillant et inspiré au vibraphone, Olivier Ker Ourio, tour à tour velouté et incisif à l’harmonica rappelle Toots Thielmans dans les œuvres orchestrales de Pastorius. François Laizeau assure un tempo sans failles en restant fidèle à ses accessoires de coloriste : une conga, un tambourin... Le son Laizeau : un de nos grands batteurs !

Véloce, mélodique, Frédéric Monino assure en virtuose les lignes de basse tout en brodant des lignes mélodiques en volutes. Côté salle, on aura pu regretter que la basse soit un peu trop envahissante, un peu dominante en terme de volume sonore, ce qui a quelque peu déséquilibré la cohésion de l’ensemble. Il faut dire qu’après une première partie à haute-densité, les tympans étaient peut-être un peu distendus !

O. Ker Ourio, F. Laizeau, F. Monino, F. Tortiller : "Around Jaco" à Tours le 12 novembre 2010
Photo © CultureJazz

Entre la fougue de la jeune équipe réunie par Guillaume Perret et la raisonnable maturité du quartet de Frédéric Monino, le Petit Faucheux proposait une soirée de grande qualité.

Le lendemain (samedi 13), c’est le Mégaoctet d’Andy Emler qui investissait le lieu en compagnie du danseur et chorégraphe Bernardo Montet... Nous ne pouvions rester à Tours... Dommage !

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> Formations :

Guillaume Perret Electric Epic :

  • Guillaume Perret : saxophone, effets / Jim Grandcamp : guitare / Philippe Bussonnet : basse / Yoann Serra : batterie

Frédéric Monino « Around Jaco »

  • Frédéric Monino : basse / Olivier Ker Ourio : harmonica / Franck Tortiller : vibraphone / François Laizeau : batterie

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> Liens :