Peinture et "improvisation aléatoire" : tout un art.

Sylvain Guérineau chemine tranquillement dans sa vie d’artiste. On connaît le saxophoniste-improvisateur, un peu moins le peintre et ses récentes "palettes" (à découvrir dans une galerie d’images ci-dessous).

Nous recevons régulièrement les messages de Sylvain Guérineau pour annoncer ses concerts qui sont, à chaque fois, des rencontres plutôt intimistes consacrées à la création spontanée, sans concessions, sans filet.
Nous l’avions connu et écouté jadis en duo avec Francis Marmande, contrebassiste et plume célèbre, invitant parfois le poète-écrivain Jacques Réda pour des rencontres entre les sonorités des notes et des mots.

Sylvain Guérineau
Sylvain Guérineau
© Gilles Pyvka

Mais, s’il pratique le saxophone, il se consacre aussi à la peinture depuis toujours. Nous avons été particulièrement interpellés par l’envoi d’un message présentant quelques unes de ses "palettes" (à l’origine, de simples palettes de peintre...).
Nous avons voulu saisir cette occasion pour contribuer à mettre en lumière le travail d’un artiste né en 1946 à Vendôme (jolie ville d’art et d’histoire en Loir-et-Cher) qui vit ses passions en Île-de-France et ne demande qu’à être invité ailleurs !

* * * * *

Quelques questions, des échanges ont suffi à dresser ce portrait de l’artiste, par lui-même.

" Peindre, souffler dans un saxophone, deux pratiques artistiques sans rapport l’une à l’autre si ce n’est qu’elles s’inscrivent toutes deux dans le champ artistique.

Cependant que…

Si on y regarde de plus près ces lignes parallèles parfois se croisent.

Le saxophone sonne « jazz » quoique l’improvisation que je pratique ne soit pas vraiment du jazz : pas de thème, pas de composition, pas de grille harmonique.

À « free jazz », « musique improvisée », « improvisation libre », je préfère « improvisation aléatoire ».
Je sais la première note qui va sortir, pas les suivantes et c’est peut-être là que la musique rencontre la peinture.
La première trace, la première couleur posées, avec une idée en tête, et la peinture va son chemin, le plus souvent bien loin de l’idée de départ. Une sorte de peinture aléatoire, en somme.

Sylvain Guérineau : "Palette" - novembre 2009
Sylvain Guérineau : "Palette" - novembre 2009
© Sylvain Guérineau.
Sylvain Guérineau, en 2006.
Sylvain Guérineau, en 2006.
Photo © Christian Ducasse.

La ligne et la couleur ont rencontré les sons.

Certes l’improvisateur travaille dans le spontané, la musique s’envole dès qu’elle est jouée.
La peinture reste, s’inscrit dans la durée. Parfois le premier jet trouve son équilibre, d’autres fois on y revient, on recouvre, on recadre.

Pour l’improvisation musicale, c’est en amont que joue le temps : le travail quotidien, les gammes, les exercices qui permettront le concert.

En peinture, le travail et l’œuvre achevée ne font qu’un.

En musique, un concert raté, on efface la bande ; une peinture ratée on la recouvre ou on la détruit.

Il est parfois mal aisé de mener de front peinture et musique, l’une et l’autre puisent dans l’imaginaire. Ce qui a été mis en musique n’est plus disponible pour la ligne et la couleur et vice versa. Alors on remet au lendemain, comme une pâte à pain qu’on laisserait reposer et que la levure fera gonfler. On peut souffler à nouveau et balancer de la couleur.

Peindre c’est orchestrer des lignes et des couleurs, souffler dans un saxophone c’est mettre au jour une large palette de sons.

Mon idéal serait de faire une musique qui ne soit pas vraiment du jazz mais où tout le jazz y soit.

Deux disques devraient sortir cette année : un 33 tours avec Jean-Marc Foussat grand officier des sons et un CD en trio avec Joe McPhee au saxophone soprano et le même Jean-Marc en artificier du synthé.

Malheureusement peu de concerts, les temps sont durs pour l’impro aléatoire.

Et pourtant…"

.::Sylvain Guérineau: :.


Galerie de palettes.

Cliquez sur l’image ci-dessous (sélection de 24 palettes sur les 30 existantes)...

Galerie : les palettes de Sylvain Guérineau.
Galerie : les palettes de Sylvain Guérineau.

> Liens :

Sur son site, Sylvain Guérineau a écrit "Comment je ne suis pas devenu peintre"...
"[...] Je ne fais pas des tableaux, mais plutôt des fétiches, des talismans, des Botchios : ces poteaux sculptés qu’on disposait au Bénin à l’entrée des villages et des maisons pour éloigner les mauvais esprits et en protéger les habitants. Je me vois plus en forgeron/griot/marabout qu’en Artiste. J’aimerais atteindre en musique et en peinture à une sorte de sauvagerie, sauvage : comme on le dit d’un animal ou d’un coin de nature. La sauvagerie contre la barbarie. Comme si la peinture et la musique avaient prise sur le cours des événements, comme si les pinceaux pouvaient effacer la misère humaine."...