Un barde de la soul music

La Halle de la Villette est un espace industriel reconverti en salle de spectacle : on y a installé des gradins et des fauteuils dont les dossiers sont si fatigués que l’on se retrouve sur les genoux de sa voisine de derrière et, qu’en contrepartie, on reçoit la tête de son voisin de devant. Le résultat est fort inconfortable et propice au mal de dos. La hauteur de la halle a été préservée (19m). La sonorisation des instruments à percussion (piano, basse, batterie) est bonne, mais celle des instruments à vents, y compris les voix, est médiocre, peu de basse et un aigu qui sature.

Éric LEGNINI and The Afro Jazz Beat : "Sing Twice"
Discograph 6107025 / Harmonia Mundi

En première partie, on a pu entendre le groupe d’Éric Legnini, qui est venu vendre son dernier disque [Eric Legnini and the Afro Jazz Beat- Sing Twice ! Discograph].
D’abord, un chanteur de variété anglo-saxonne sautillante, à la voix aigre, a occupé la scène une demi-heure ; puis une chanteuse vaguement jazzy, pourvue d’une jolie voix, a été accompagnée par des arrangements un peu plus souignants, surtout dans la deuxième chanson. Puis est venue Mammani Keita, chanteuse malienne, qui reste dans sa tradition vocale, avec son rythme et son étrangeté non tempérée, mais qui s’accorde parfaitement avec les arrangements ; elle a d’ailleurs peu chanté pendant le temps de sa présence sur la scène. On a entendu de bons solos de Boris Pokora et de timides interventions de Julien Alour.
À noter un solo de batterie inattendu, sans effets violents et se terminant piano pour relancer l’orchestre (Frank Agulhon). Enfin un rappel, avec les gens debout - à la demande du chef-, avec tout ce beau monde, plus, surgie de la coulisse, Kellylee Evans, qui a un peu détonné par sa manière de chanter syncopée, au milieu des autres vocalistes bien raides.

En deuxième partie, Gregory PORTER -dont c’était le deuxième concert dans le cadre de ce festival-, a chanté ce soir-là le répertoire de ses disques anciens et récent [Le magnifique Liquid Spirit chez Blue Note]. Beaucoup de place est laissée à ses musiciens - c’est presque un critère pour distinguer un chanteur de jazz, nécessaire, mais pas suffisant-, particulièrement à son saxophoniste alto, qui utilise beaucoup le registre aigu de l’instrument pour ses solos, et un appareillage électronique pour donner des effets de pluralité dans les orchestrations. Dès l’introduction par l’orchestre seul, on est frappé par la qualité et la force d’une musique qui n’est pas un concept, mais une tradition artistique.

PORTER est une présence massive, un peu étrange avec son passe-montagne et sa casquette. Il chante dans un micro sur pied et dégage à la fois de la sérénité et de la puissance. Auteur de la plupart des chansons, il y exprime ce qu’il pense et ressent, avec une voix moelleuse et d’une belle étendue, parfaitement maîtrisée dans son expression. L’impact du direct est très fort, la valeur musicale et humaine de l’artiste se propage sur nous. Le concert ayant été diffusé sur France-Musique, on peut constater qu’il ne reste que la musique, ce qui est beaucoup.

Gregory PORTER est une sorte de barde de la soul music contemporaine.

> Jazz à La Villette - Paris, Grande Halle de la Villette, salle Charlie Parker, vendredi 13 septembre 2013
1- Éric Legnini (p), Thomas Bramerie (cb), Frank Agulhon (dms), Boris Pokora (ts, fl), Julien Alour, Quentin Ghomari (tpt), Jerry Edwards (tb) + Hugh Coltman, Yael Naim, Mammani Keita (chant), David, Donatien (perc.) + Kellylee Evans (voc).

2- Gregory PORTER (voc), Chip Crawford (p), Aaron James (cb), Emmanuel Harrod (dms), Yosuke Sato (as).


> Le nouvel album, paru le 2 septembre 2013 :

Gregory PORTER : "Liquid Spirit"
Blue Note / Universal Music France
Gregory PORTER : "Liquid Spirit"

> Blue Note / Universal Music France

Gregory Porter : voix / avec, selon les plages : Chip Crawford : piano / Aaron James : contrebasse / Yosuke Sato : saxophone alto / Tivon Pennicott : saxophone ténor / Curtis Taylor : trompette / Emmanuel Harrold : batterie / Glenn Patscha : orgue Hammond B3, Fender Rhodes /

01. No love dying ∕ 02. Liquid spirit / 03. Lonesome lover (A. Lincoln - M. Roach) / 04. Water under bridges / 05. Hey laura / 06. Musical genocide / 07. Wolfcry / 08. Free (Porter - Najor) / 09. Brown grass / 10. Wind song / 11. The "in" crowd (B. Page)/ 12. Movin’ / 13. When love was king / 14. I fall in love too easily / 15. Time is ticking / 16. Water under bridges

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