Une belle idée, six ans d’âge !

Un canal, un site singulier, une idée germée dans la tête d’un saxophoniste attaché autant au jazz qu’à sa région au cours d’une balade.
Ainsi, un festival est né il y a plus de six ans, en Ille-et-Vilaine, entre Rennes et Saint-Malo.
Guillaume Saint-James, saxophoniste-compositeur, et son épouse Catherine Saint-James ont su fédérer les énergies, motiver une équipe pour installer cet autre festival à Hédé où le théâtre s’est aussi créé son événement. Pas de concurrence, une complémentarité vécue harmonieusement. Ça marche.

Nous avons assisté aux deux derniers jours du festival (21 et 22 septembre). Il avait débuté le 19.

L’écluse de la Madeleine est le point central du site du festival. C’est une des marches d’une sorte d’escalier nautique qui permet aux embarcations de passer de la Manche à l’Atlantique sans se faire secouer par les turbulences de la pointe bretonne. Un lieu calme, paisible, un écrin de verdure où la vie est rythmée par les ouvertures et fermetures de portes mais aussi un lieu de joutes musicales à l’exemple de cette confrontation entre la fanfare Groove Tempo de Lamballe et le Bobo Dioulasso Combo venu du Burkina-Faso, de part et d’autre de l’écluse. Une "battle" pacifique et tonique !

Pleins feux sur l’Orphicube à Hédé le 21 septembre 2013.
© T. Giard - CultureJazz.fr
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Là, le jazz se vit et s’écoute au grand air, dans une péniche-spectacle dans un hangar devenu bar à vin et jazz-club mais aussi sous un chapiteau rutilant, lieu des concerts pour formations et musiciens renommés.

Avec l’Orphicube, le saxophoniste Alban Darche s’ouvre de nouvelles portes pour l’écriture et l’orchestration entre son Gros Cube difficile à faire sortir du garage par ces temps agités et Le Cube qui cultive à sa manière l’art du trio.
Pas de cuivres cette fois mais un élégant assemblage d’anches expertes (les "Four Brothers" du quatuor "Jazzophone" qu’Alban constitua dans le passé !) devant LA section rythmique Christophe Lavergne / Sébastien Boisseau que complètent élégamment le violon incisif de Marie-Violaine Cadoret et le piano de Nathalie Darche. Pour lier l’ensemble et apporter l’air pulsé qui vibre, l’accordéon de Didier Ithursarry.
L’absence de timbres graves donne à cette musique (inspirée pour partie par les œuvres cubistes du plasticien Sylvain Roblin) une légèreté et une finesse nouvelles. Toutes les subtilités d’arrangements ciselés sur les compositions espiègles du leader sont ici perceptibles. Outre les titres dédiés spécifiquement à l’Orphicube (Four Brothers, Les Parapluies de D. Ithursarry), on retrouve des adaptations de Mon tribut à Tim Burton ou La Pascoalaise habituellement jouées par Le Cube.
Nous avons beaucoup aimé le disque qui vient de paraître (lire ici !) mais le concert nous a transporté bien plus loin encore en donnant une lecture plus précise et sensible d’une musique nourrie de danses inventées, d’emprunts aux répertoires savants et populaires habilement intégrés à des compositions d’une grande originalité...
Comme quoi, le concert est irremplaçable puisqu’on a, en prime, les traits d’humour d’Alban Darche, un sacré personnage !

Alban Darche : saxophone alto / Marie-Violaine Cadoret : violon / Didier Ithursarry : accordéon / Nathalie Darche : piano / Sébastien Boisseau : contrebasse / Matthieu Donarier : saxophone ténor, clarinette / Sylvain Rifflet : saxophones, clarinette / François Ripoche : saxophone alto et ténor.

Alban Darche à Hédé - 21 septembre 2013.
© T. Giard - CultureJazz.fr
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L’Orphicube, nouvelle formation dirigée par Alban Darche (saxophone alto).
© T. Giard - CultureJazz.fr
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Une pause s’imposait pour arpenter les allées et découvrir les stands du festival avant le concert de Misja Fitzgerald-Michel pour son hommage à Nick Drake, mystérieuse étoile filante du folk britannique (1948-1974)...

Olivier Koundouno et Misja Fitzgerald-Michel à Hédé - 21 septembre 2013.
© T. Giard - CultureJazz.fr
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Misja Fitzgerald-Michel à Hédé le 21 septembre 2013.
© T. Giard - CultureJazz.fr
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Je n’avais pas encore entendu sur scène le répertoire du disque "Time of no reply" (label No Format - 2012) dont Yves Dorison, fidèle collaborateur de Culturejazz.fr avait dit le plus grand bien (lire ici - OUI ! , on aime !).
Ceux qui connaissent ce guitariste dans le contexte jazz (qu’il évoqua ce soir-là avec humour et distanciation, mais aussi avec Nardis en rappel), ceux qui l’ont écouté aux côtés de Ravi Coltrane, Drew Gress etc. découvrent un autre visage de M.F.M. à travers cette exploration personnelle et sensible de l’univers de Nick Drake. Passant de la guitare six cordes à la douze cordes, avec le soutien et la complicité d’Olivier Koundouno au violoncelle, Misja nous transporte ailleurs. On retient son souffle, en suspension...
Une magnifique escapade dans une musique sans âge qui n’est heureusement pas tombée dans l’oubli bien que Nick Drake soit disparu trop jeune.
Un très beau moment qui nous a permis de conclure paisiblement la soirée sans attendre le bal du samedi soir façon "Jazz aux écluses".

La nuit est tombée sur le site du festival et la jam-session "non-stop" se poursuit... Elle était prévue sur une durée de 24 heures... En fait, le lendemain matin,la musique s’est endormie sur les bords du canal livrés aux promeneurs et sportifs de tous acabits... La jam a repris doucement autour de midi...


Jazz aux Écluses est un festival qui célèbre le jazz vivant et veut faire partager la plaisir de la musique. Autour des quelques concerts qui composent un programme susceptible de retenir l’attention des amateurs, une multitudes d’ateliers et d’actions, "d’animations" permettent une acculturation douce des curieux de tous âges. Ce festival fait une belle place au jeune public et permet une participation vraiment familiale avec la collaboration de plusieurs associations amies et de nombreux bénévoles.

Le labyrinthe sonore et musical des plus petits...
© Denise Giard

Au programme de la fin d’après-midi, le public se presse pour écouter le trio de Jacky Terrasson. Il fait beau et chaud et l’attente dans le sas du chapiteau ressemble à un passage en étuve ! Tout va bien !

Jacky Terrasson, Darryl Hall & Leon Parker à Hédé le 21 septembre 2013.
© T. Giard - CultureJazz.fr
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Il faisait chaud aussi sous le beau chapiteau mais ça n’empêche nullement Jacky Terrasson, pianiste aujourd’hui estampillé "USA", de nous offrir un concert exceptionnel, portant le jeu collectif à un très haut niveau.

À la place de sa rythmique "officielle" actuelle (Travis / Faulkner) initialement annoncée, Jacky Terrasson retrouve sur scène son vieux complice Leon Parker et le contrebassiste Darryl Hall, deux musiciens "installés" en France et disponibles pour toutes les opportunités. Pas de pupitres, pas de partitions mais un concert "à l’ancienne" à base de standards qui servent de tremplin à l’imagination fertile et débridée des trois compères très complices et visiblement heureux et transportés par la musique qui s’est épanouie sous leurs doigts ce soir-là.

Plus que des interprétations de standards, c’est une suite de "variations sur..." que le public conquis a pu écouter, admiratif, transporté. De Lover Man à Que reste-til de nos amours, d’une biguine frénétique à Caravan (où Leon Parker se livre à un des solos de percussions corporelles qu’il affectionne) en passant par une relecture du "You’d Be So Nice To Come Home To" de Cole Porter, on a pu assister à un moment exceptionnel fait de ruptures, de contrastes, de mélodies démontées et reconstruites, d’envols audacieux... Le grand art !
Si Leon Parker et J. Terrasson se connaissent bien, c’est moins le cas pour Darryl Hall qui semblait profondément heureux de ce moment d’échange d’une profonde intensité.

Ce fut un bien beau final pour ce festival 2013 !

Jacky Terrasson à Hédé le 21 septembre 2013.
© T. Giard - CultureJazz.fr
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Leon Parker à Hédé le 21 septembre 2013.
© T. Giard - CultureJazz.fr
Darryl Hall, Jacky Terrasson, & Leon Parker à Hédé le 21 septembre 2013.
© T. Giard - CultureJazz.fr
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> Quelques modestes images de cette édition 2013...

L’ambiance, la convivialité... sous le soleil cette année, ce pourrait être la recette de la réussite de Jazz aux Écluses s’il n’y avait des choix de programmation effectués par Guillaume et Catherine Saint-James aidés des bénévoles de leur association. Pas de tape-à-l’œil mais la volonté de présenter des musiques et des musiciens qu’ils veulent défendre.

Pour donner des couleurs de fête au bel écrin du site des 11 écluses, le festival propose ses espaces aux plasticiens Philippe Pengrech et Vincent Brodin, qui ont bien fait de jolies choses dans un esprit "Land-art" pour contribuer eux aussi à faire vivre et vibrer ces espaces.

Le saxophone vert. Six ans, ça s’arrose ! Jazz aux Écluses 2013
© Denise Giard
Après-midi de festival en bord de canal. Jazz aux Écluses 2013.
© Denise Giard
La caravane à bonbons... Jazz aux Écluses pour tous les goûts !
© Denise Giard
Chapiteau et espace "land art" à Jazz aux Écluses.
© Denise Giard - sept. 2013
Le stand crêpes et galettes à "Jazz aux Écluses".
Incontournable en Bretagne !© Denise Giard - sept. 2013
L’espace restauration-bar - Festival Jazz aux Écluses 2013.
© Denise Giard
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La fête s’achève, les transats se vident... - Jazz aux Écluses 2013
© Denise Giard