Chroniques 1966-1971

Résistant, déporté, contrebassiste, critique de jazz, traducteur de l’anglo-américain dont il connaissait tous les argots, “dispensateur du jazz en Sorbonne” pendant 20 ans [Lucien Malson, p. 6], homme de culture et pourvu d’un solide humour, Jacques B. Hess a été une “figure habituelle” des clubs germanopratins [Malson, p. 5].

Jacques B. HESS : "Hess-O-Hess..."
Éditions Alter Ego 2013.

Dans cet ouvrage, sont publiés [p. 9-142] les blocs-notes qu’il a écrits pour Jazz-Hot de 1966 à 1968, revue à laquelle il a collaboré au côté de Delaunay et Malson, puis pour Jazz-Magazine jusqu’en mai 1971, après la Révol. Cul. de Michel LeBris qui a fait passer Jazz-Hot du côté du structuralisme basique marxiste et du free-jazz -Il s’en explique p. 91 ss. Après un cahier de photo en NB, sont reproduits divers articles écrits entre 1955 et 1985 (p. 155-223) [Une table des matières détaillées indique les lieux et dates de parution des articles.]

Le début du bloc-note est une parodie de celui que tenait François Mauriac dans un magazine consacré à la littérature et vivant apparemment de l’important cahier d’annonces immobilières qui lui était joint, d’où le Figaro littéraire (et immobilier). Très vite, ce point de départ sera oublié.

On trouvera dans ces textes le reflets des préoccupations du moment, celles d’un amateur de jazz qui regarde les USA d’un œil critique et le racisme avec consternation.

C’est aussi une époque où un jazzman devenu prêtre, Guy de Fatto -ancien contrebassiste, mais Hess ne fait pas allusion à cette communauté instrumentale- s’évertuait à faire jouer du jazz dans les églises, ce qui suscitait des mouvements divers, où l’on voit l’illustre Maurice Duruflé se faire traiter de “voyou” (p. 87).

Hess parle bien sûr beaucoup de la contrebasse et des problèmes de transports que la pratique de cet instrument entraîne : dans le métro, autobus, ascenseur et avion. Ces situations pas très amusantes dans le quotidien sont racontées d’une manière hilarante :”Le contrebassite dans la cité”, p. 191 ; “La contrebasse en avion” p. 198].

C’est toute la vie des musiciens qui défile, une vie d’alcool et de femmes [“Vol de maîtresses entre jazzmen”, p. 115-118], dont le monde de la nuit est parfois proche de celui des malfrats [p. 33]. Beaucoup d’anecdotes, des histoires de musiciens.

On y trouve aussi quelques remises en place critiques, de Pharoah Sanders, particulièrement [p. 84-86].

Pour ceux qui, bien légitiment, ne savent pas qui a été Hugues Panassié, “un prélat, gribouilleur et jaloux [Malson, p. 5] -personnage mort il y a plus de 40 ans et bien oublié-, Hess nous donne deux savoureuses parodies de son style, qui procède par connivence admirative, dénigrement en sympathie avec le lecteur et beaucoup d’enthousiasme désordonné (p. 59 et 67).

L’écriture alerte de Jacques B. Hess, son humour décapant, sa “Weltanschaung” [Voir (p. 128) J.B. Hess, Der Mensch, der Schutz,Prolegomene zu einer Theorie des selbst-erbaut Schild, Frankfurt, Wienerschnitzel-Verlag,1967], rendent ce livre prenant et d’une lecture passionnante, à tout le moins pour ceux qui s’intéressent au jazz parisien et au mouvement des idées de l’après-guerre.

Jacques B. HESS, Hess-O-Hess. Chroniques 1966-1971. Préface de Lucien Malson. Céret, Éditions Alter Ego, 2013, 225 pp, dont un cahier de 12 de photos (17€).


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