Berlin seconde étape du projet EUROPA de l’ONJazz d’Olivier Benoît ou comment évoquer la ville en mouvement.
L’Orchestre National de Jazz - EUROPA BERLIN
Festival Jazzycolors - Le Carreau du Temple, Paris
samedi 22 novembre 2014
L’ONJ et son directeur artistique Olivier Benoit reviennent de Berlin. Ils sont restés dix jours en résidence dans cette ville aux passés qui restent là comme suspendus au fil du temps dans l’Ether de la ville. Il faut y aller pour percevoir l’irréalité, l’expressionnisme qui en émanent, les nuits maudites, Metroplis Mabuse et M, Der Himmel über Berlin, Ailes du désir d’anges observateurs de la nuée organique de la ville. Elle porte encore en son sein son effondrement, sa balafre, sa cicatrice, et a aujourd’hui cette chance rare de retrouver l’espoir d’un renouveau, d’un air libre et frais, idéaux d’une place artistique pour se saisir des restes d’un passé omniprésent et étouffant.
Loin d’une naïve représentation imagée de la ville, à l’affût des sons, Olivier Benoît a pour ainsi dire, saisi l’esprit hétérogène et palpable du cœur de la cité. Ostinatos rythmiques, réitérations de note unique sur laquelle viennent s’empiler les couleurs harmoniques ou se croiser les lignes mélodiques prétextes aux improvisations, aux architectures urbaines et musicales.
Peut être aurait on pu éviter les fumées d’avant concert et limiter les décibels d’une rythmique qui empêche d’apprécier à sa juste valeur les interventions du violoniste Théo Ceccaldi qui doit lutter pour s’imposer, mais soulignons également l’aspect scénique de l’ensemble : en arc de cercle, l’orchestre se retrouve au cœur d’un point imaginaire, lieu de concentration des énergies. Dans cette alcôve viennent se lover les soli et on retiendra ceux du tromboniste Fidel Fourneyron, du très dolphynien Jean Dousteyssier, les belles et salutaires outrances pianistiques de Sophie Agnel, la trompette de Fabrice Martinez, la virtuosité contemporaine de Bruno Chevillon.
La cohérence de cet ensemble est celle d’une identité avant tout sonore et percutante, soulignée par la guitare d’Olivier Benoît, tenant en quelque sorte le rôle d’un Freddie Green ultra-contemporain.
Nous verrons ce que nous réservera la prochaine étape de ce tour Europa voulu par le projet d’Olivier Benoît dont l‘identité musicale est d’abord celle de l’ouverture loin des étiquettes. On y entendra d’autres images, d’autres poétiques. L’arrêt à Berlin était cependant incontournable, indispensable et ce, le plus rapidement possible, avant que le monde des affaires ne vienne y mettre son propre "La", figeant par là l’esprit des lieux.
PS : Chacun a le droit de ne pas apprécier cette musique, c’est la moindre des choses. On peut alors s’abstenir de venir au concert et respecter les spectateurs mais certains y viennent dans l’unique but de manifester ostensiblement leur mécontentement voire une haine qui nous échappe. Nous sommes malheureux pour eux : les murs invisibles fichés dans les têtes sont les plus difficiles à abattre.
ONJazz :
Oliver Benoit - direction artistique, guitare, composition / Bruno Chevillon - conseiller artistique, contrebasse, basse électrique / Jean Dousteyssier - clarinettes, saxophone ténor /Alexandra Grimal - saxophones ténor et soprano / Hugues Mayot - saxophones, clarinettes / Fidel Fourneyron - trombone, tuba / Fabrice Martinez - trompette, bugle, saxhorn / Théo Ceccaldi - violon, alto / Sophie Agnel – piano / Paul Brousseau – claviers / Éric Échampard - batterie