"Faire progresser la culture..."

Nous constatons encore une fois, en ce début de saison, qu’au LSJazzProject il n’y a pas de place pour des concerts désincarnés ou rêvés à distance sans pouvoir s’y incorporer dans le réel. Des francs-tireurs viennent y réaliser ouvertement le jazz et laissent les élèves à leur surprise par ces démonstrations intentionnelles lâchées sans contenu fébrile. Ces écarts musicaux contribuent à coup sûr à faire progresser la culture. Chacun des jeunes participants s’instruit à son contact et s’ouvre un peu plus à ce nouvel élan pas toujours privilégié dans les divers canaux de diffusion classique. Ici l’authentique exigence est de placer le jazz en place légitime. L’excitation musicale joue son rôle dans sa prédestination finale primordiale et il faut en assimiler les codes qui dirigent ce déploiement. Ce lieu permet l’élaboration de cette double influence pour que le substrat de cette musique prenne corps.
Ne croyez pas qu’il s’agisse là d’un charabia de complaisance, venez tout simplement vérifier par vous-même cela saura vous convaincre.

Serge Lazarevitch
Serge Lazarevitch
© Marceau Brayard - 2015

La première soirée de la saison (3 octobre 2014) sera consacrée à un hommage évident en direction de Charlie Haden. Le contrebassiste disposait d’un souci particulier pour imposer les bonnes césures les silences inavouables pour d’autres musiciens. On retrouvait dans la cartographie mélodique de ses compositions une connaissance intimement imprégnée de cette conviction jazz modulable à l’infini. Pour vous décrire le silence le nocturne proche de la solitude, Charlie Haden n’a pas de rival digne de ce nom sur le registre des compositeurs pour cette catégorie-là.

Le guitariste Serge Lazarevitch entraînera ce trio sur les pistes tracées par Charlie Haden. On ne pouvait être que convaincu par sa présence d’où s’érigeait des principes de connivences alliant un cogito imaginatif. Des moments s’installaient autour de thèmes sans que jamais la musique ne disparaisse sous les instruments. Le trio propulsait son épaisseur par ces liaisons coordonnées et s’assignait une institution implicite sans poser aucune limite à chacun. On y percevait l’analogon du rythme mêlé à sa description narrative dans les moindres recoins. Le guitariste venait imprimer sa surimpression électrisante, pareille à une fumée préparatoire à la poussée incandescente avec ses évaporations flamboyantes.

Il n’en fallait pas plus pour émoustiller Bruno Tocanne face à sa batterie qu’il réglait sur un mode opératoire des plus sensibles pour que ses entrées se répercutent très précisément dans le giron de la cohérence de cet ensemble. Il nous démontrait encore une fois son interchangeabilité avec les musiciens. En l’observant on s’aperçoit qu’il possède en lui cette logique d’inventer à chaque fois une adaptabilité plausible.

Dans le même rouage Sébastien François se montrait en phase par ses immersions le plongeant dans un permanent état de recueillement avec sa contrebasse à laquelle il ne lâchait pas la main facilement. Ceci pour ne rien laisser fuiter de travers en s’impliquant profondément et surtout sereinement dans cette diffusion toujours un peu flottante.

Notre rêveuse raison se laissait surprendre à tout ce paysage expressif tellement amoureux et admiratif vis-à-vis de celui qui participa à faire avancer à son niveau une partie de l’histoire du jazz.

Jean-Louis Almosnino ©© Marceau Brayard - 2015
Bruno Tocanne ©© Marceau Brayard - 2015
Nora Kamm ©© Marceau Brayard - 2015
Sébastien François ©© Marceau Brayard - 2015
Serge Lazarevitch ©© Marceau Brayard - 2015
Zaza Desiderio ©© Marceau Brayard - 2015

L’autre trio de fin d’année (5 décembre 2014) s’appliquait à parcourir un autre versant du jazz.

La saxophoniste Nora Kamm arrimée à son alto par une manducation répondait à l’exigence de l’oreille. Sa souveraine technique rusée et méticuleuse externalisait le fin soupir nécessaire à la pointe de cette douce euphorie d’imprévus. Elle venait y détacher un patrimoine jazz à la façon d’un recueil poétique où l’éclat marmoréen de sa chair venait rivaliser avec la rutilance envahissante du cuivre.

Nora Kamm
Nora Kamm
© Marceau Brayard - 2015

Le guitariste Jean-Louis Almosnino s’abreuvait d’étincelles surprenantes, aux divers agencements de notes sans fissure, pour les rythmes puisés au sens précieux. Le va-et-vient résigné de la main gauche sur les cordes, se suffisait à lui-même pour rendre sa guitare docile et s’y enrouler cérémonieusement dans la musique.

Zaza Desiderio est un phénomène rythmique par sa façon naturelle d’approfondir le descriptif. Son intrusion sur la batterie se répercutait à vue d’œil. Elle subjuguait à mesure qu’il s’incarnait au-dessus, autour, tel un chat bondissant.
Jean-Louis & Nora captaient vite très vite le sens de son virus à l’œuvre, dans ses actions à provoquer sans cesse les occasions, promptes à faire réagir le cadre de ce tableau au grouillement constant. Ils en intensifiaient la coïncidence à belle allure, au creuset de cette raison instrumentale. Il y planait des ombres d’Amérique du Sud qu’ils venaient faire dégorger d’une sueur palpable.
La simultanéité de ces trois esprits ne pouvait rendre qu’inconstantes les rigidités de jeux, tant les musiciens coopéraient pleinement chacun à leur niveau pour y faire valoir le fruit fécond d’une sonorité pleine d’ampleur. Une grande sagesse tranquille organisait ce trio pour construire un aliment musical phénoménal dans les registres des mélodies plurielles, aussi variés que les airs de la comédie américaine, la tonalité proche du Brésil ou encore l’ancien titre de Pat Metheny très vite reconnaissable.

Cette stature de superposition des instruments se nouait et se dénouait sur des formes successives dans une dimension sagittale nous transperçant d’une incroyable acuité véloce.

THE LS JAZZ PROJECT - Collège LA SALLE - LYON CROIX ROUSSE
45 rue Denfert-Rochereau - 69004 LYON