Musiques de Debussy, Ravel et Bach.

> Vendredi 13 mars 2015 - Istituto Italiano di Cultura 75007 Parigi

Si un jour on vous demande quel genre de rapports entretiennent jazz et classique vous pourrez dire haut et fort que ça dépend de la manière dont on s’y prend et que le jazz n’est pas une musique imperméable mais malléable et poreuse qui est toujours allée jeter une oreille intéressée chez ses voisins et ce quels qu’ils soient. Certes il y a le pire : le jazz qui veut faire de la sonate fuguée avec des blue notes à la clé, faisant sourire dans les salons feutrés, ou alors le classique qui veut mettre du swing pour "faire jazz" sur une sonate là où elle n’avait rien demandé, faisant rire au bar. Ça dépend aussi des goûts et des couleurs, et pour se faire une idée on peut toujours lire les essais d’André Hodeir (Hommes et problèmes du jazz, chapitre XVI) ou en écoutant sa musique. Et puis il y a ceux qui ont plusieurs casquettes et prennent la chose par d’autres bouts ; les coquins vont voir sous les notes, retournent les phrases, les vicieux détournent subtilement les harmonies de manière implicite ou explicite sorte de Yin et Yang musical. Allez donc voir du coté du third stream, de Duke Ellington, de Wayne Shorter (pour les couleurs), des Evans, Gil pour les emprunts et l’orchestration et Bill pour les voix internes à la Chopin et, il y a peu pour nous, chez une Joëlle Léandre pour une subtile alchimie évocatrice d’événements de toutes sortes. On peut également prendre la chose de manière frontale, sans faire l’éléphant pataugeant dans la porcelaine mais toutefois sans la moindre concession, les yeux dans les yeux, œil pour œil dent pour dent. Beauté du geste, du touché, de la précision, beauté du risque, de l’aventure, du j’y vais. Chouette dira-t-on, des mondes en joutes pour une fois de manière fraternelle. Par les temps qui courent c’est si rare.

Alors on se rend au bel Institut Culturel Italien de Paris, voir et entendre colonnes, parquets qui craquent et plafonds finement décorés. Mère des arts, l’Italie nous a donné nombre de compositeurs, de clés, de lecture musicale, la basse continue baroque (réalisation improvisée d’une suite d’accords chiffrés), de gestes et de techniques. Mais ici c’est plutôt du côté de la musique francese que nos deux musiciens, classique-italien pour Michele Campanella et jazz-argentin pour Javier Girotto, sont allés voir. On sait l’importance des Debussy et Ravel dans l’ouverture du son, de l’introduction de modes variés et colorés, en particuliers les pentatoniques si chers aux improvisateurs. N’allons pas chercher ici un quelconque hommage à ces deux musiciens mais plutôt un terrain favorable, un espace mélodique fort qui permet au saxophone soprano de se marier au chant du piano (de manière un peu moins convaincante avec le saxophone baryton), de profiter d’effluves harmoniques pour proposer d’autres chants, cette fois improvisés. Un CD du duo a été enregistré (ici) mais ce soir nous avons eu droit à plus, à de l’inédit pour certaines séquences : le piano, la gueule grande ouverte, pédale forte enfoncée laisse résonner par sympathie ses cordes, le soprano profitant de l’aubaine plonge au cœur de l’imposant instrument pour y faire raisonner une succession d’arpèges, de traits, sortes de loops sur lesquels il peut alors s’amuser et rebondir.

Le concert s’achève sur une pièce du grand J.S.Bach prouvant par là que l’expérience, concluante pour notre part, est loin d’être close, et nous serions curieux de l’entendre sur du Shostakovich, du Bartok ou d’autres encore.
Jazz et Classique sont de curieux amants, amour humour, amour vache, amour quand tu nous tiens.

Michele Campanella : piano / Javier Girotto : saxophones soprano et baryton
Istituto Italiano di Cultura - 73, rue de Grenelle - 75007 Paris

Sur des musiques de Claude Debussy, Maurice Ravel, Johann Sebastien Bach.


Le disque :

Michele CAMPANELLA – Javier GIROTTO : "Musique Sans Frontières"
Michele CAMPANELLA – Javier GIROTTO : "Musique Sans Frontières"
CamJazz


Retrouvez ce disque dans la "Pile de disques" de mars 2015 sur CultureJazz.fr !

> CamJazz CAMJ 7880-2 / Harmonia Mundi

Michele Campanella : piano / Javier Girotto : saxophones soprano et baryton

01. Pavane Pour Une Infante Défunte (Ravel) / 02. Suite Bergamesque (Debussy) - Prélude / 03. Suite Bergamesque (Debussy) - Menuet / 04. Suite Bergamesque (Debussy) - Clair De Lune / 05. Suite Bergamesque (Debussy) - Passepied / 06. Suite Bergamesque (Debussy) - Rêverie / 07. Children’s Corner (Debussy) - Doctor Gradus Ad Parnassum / 08. Children’s Corner (Debussy) - Jimbo’s Lullaby / 09. Children’s Corner (Debussy) - Serenade Of The Doll / 10. Children’s Corner (Debussy) - The Snow Is Dancing / 11. Children’s Corner (Debussy) - The Little Sheperd / 12. Children’s Corner (Debussy) - Golliwogg’s Cake Walk / 13. Miroirs (Ravel) - La Vallée Des Cloches / 14. Miroirs (Ravel) - Oiseaux Tristes / 15. Miroirs (Ravel) - Alborada Del Gracioso // Enregistré aux Bauer Studios de Ludwigsburg (Allemagne) du 4 au 6 mars 2014.