Vingt-quatrième étape

Stéphane Payen

Depuis quand n’avions-nous plus écouté Stéphane Payen (saxophone alto) en concert ? Trop longtemps, assurément. Ce vendredi 20 mars 2015, jour de printemps, d’éclipse et de célébration internationale de la Francophonie (so cool…), un détour par le Pêle-mêle Café de Montmerle sur Saône s’imposait afin de découvrir The Workshop, dernière émanation en date de l’univers musical du saxophoniste. Associé à Olivier Laisney (trompette) Guillaume Ruelland (basse) Vincent Sauve (batterie), il a imaginé ce quartet laboratoire il y a quelques années déjà. En tournée pour la première fois, il démontre une fois de plus qu’une formation régulière est en tout point bénéfique à la musique, musique dont le niveau s’élève avec le taux de complicité des musiciens. Stéphane Payen a toujours eu maille à partir avec la mathématique et la polyrythmie, Thôt en est l’exemple depuis presque deux décennies. Et nous, la mathématique, nous n’y avons jamais rien compris. Oui, oui. Alors pourquoi diable sommes-nous, à chaque fois, séduits ? Peut-être parce que l’échange est le maître mot des propositions musicales de Stéphane Payen. Il avoue d’ailleurs sans ambages que ce quartet est avant tout dévolu à la conversation. Peut-être aussi est-ce dû à l’engagement non feint de chaque musicien ; bien des groupes existent où, à l’écoute, l’on ressent plus souvent la nécessité plutôt que le désir d’être ensemble des coreligionnaires, ce qui donne des concerts chiants comme un dimanche pluvieux chez la tante Germaine, surtout quand le rôti a brûlé. Là, sur un répertoire original, nous font face quatre musiciens impliqués, embrigadés volontaires d’une architecture complexe, qui établissent un dialogue, une discussion plutôt, aux points de fuite hypnotiques. Attention, il n’est pas question de bavardage stérile. Il s’agit bien évidemment d’esprits à la versatilité intrigante qui jonglent avec leurs savoirs, mêlant la souplesse et la rigidité, fabriquant des rouages transmetteurs au service d’un discours improvisé qui se régénère dans l’instant. C’est brillant, c’est épatant. Vraiment. Et cela demande à l’auditeur une attention certaine, celle que requiert la symbolique des langages musicaux éloignés du tronc commun. Tiens, tiens, je décèle déjà parmi vous, lecteurs, ceux qui se demandent si cela n’a pas à voir avec la tante Germaine dominicale… Là vraiment, vous me décevez. Vous écoutez Diana Krall ou quoi ? L’intégrale des Compagnons de la chanson  ? Allez donc les écouter, histoire d’avoir un avis éclairé, et dites-vous bien que cela n’a rien à voir avec le dominical ennui. Et quand on dit rien, c’est rien. Parce que franchement, comment cela serait-il dominical puisque c’est Payen ?

Vendredi prochain, nous serons au Chorus pour écouter le saxophoniste allemand Karlheinz Miklin, accompagné par le très balaise Heiri känzig à la contrebasse et le super costaud Billy Hart à la batterie. Nous serons le 27 mars 2015, jour qui a vu naître Sarah Vaughan en 1924 et mourir Clifford Jordan en 1993. Quand vous saurez en outre qu’en 1814, Andrew Jackson mit la pâtée aux Indiens Creeks à la bataille de Horseshoe Bend (Alabama), vous considérerez peut-être que, tout de même, la terre est un drôle d’endroit où l’on ne s’ennuie jamais. Mais désolé Stéphane, je n’ai pas de théorème pour le démontrer.


Dans nos oreilles

Oscar Peterson – The London concert

Sous nos yeux

Louise Erdrich - Love medecine