Le monde entier

Le trio IN LOVE WITH : Sylvain DARRIFOURCQ : batterie, objets, cithare, composition, Théo CECCALDI au violon et Valentin CECCALDI au violoncelle, fête ce soir la sortie de son CD Axel Erotic au milieu des petits cœurs en papier rose, marque-pages et autres cartes postales qui jonchent tables et sièges du Triton.

IN LOVE WITH ce serait « les courbes du désir emprisonné quelque part, dans un espace à la géométrie irréductiblement rectiligne. C’est épileptique, c’est fugace, c’est saccadé, c’est brutal. Mais ça peut tout aussi bien être amorphe et immobile. C’est la violence de la ligne droite  ».
Subitement la limande a tout d’une blonde à forte poitrine.

Théo Ceccaldi, Sylvain Darrifourcq & Valentin Ceccaldi : In Love With

Ils démarrent comme des CRS libérés de 12 heures d’immobilité sous les insultes, quolibets, crachats, jets d’œufs emplis de liquides colorés. À fond. Un ostinato à la Phil Glass shooté, un ostinato obstiné, furioso, obsessionnel comme un coup de foudre. À peine le temps de la voir vraiment dans la porte entrebâillée mais c’est ELLE cette fille. Pas d’erreur possible, pas de retour en arrière, ELLE attendue depuis le début des temps. La musique flue comme à marée montante dans un goulot d’étranglement, ça glougloute, ça bouillonne, ça se bouscule.
Et ça s’arrête. Brutalement. Comme derrière une porte claquée. Un lent pizz léger, façon cello détourné en contrebasse. Se reprendre, reprendre ses esprits. T’es qui toi ? Et moi qui suis-je ? Introspection attentive. Respirer, souffler, calmer son cœur emballé. Et nous ?
Folie du trio free suspendue-rompue par une petite phrase simplissime folie du trio free rompue-suspendue par une petite phrase simplissime folie du trio free.
Batterie et cello déploient le maelstrom de ses émotions pendant qu’il cause le violon. Ça déborde, ça lui échappe, il en dit plus que ce qu’il voudrait. Ah oui, l’amour, ça te débouche les artères, ça te décalamine les tuyaux, ça emporte tout.
Puis il se ressaisit, long pizz serpentin pendant que le drummer affronte le cello dans une baston aussi millimétrée qu’un line up d’Alwin Nikolais. Un truc de funambule. Comme l’amour. Bien peigné en toute occasion ça s’appelle. En toute occasion ? On dirait une promesse hollandaise (« mon ennemi, c’est la finance »).

Avec la pièce suivante Le bousier, le trio tente de transformer la vie considérable de cet insecte en un algorithme judicieux : repérage de la crotte, découpage d’icelle, chasse aux intrus gourmands (cassez-vous ce n’est pas un marché public avec des sous-traitants des confins de la zone Schengen ), modalités de transport (ténacité obstination ne rien lâcher ), recherche d’une faille dans l’écorce terrestre, enfouissement méticuleux, signalétique de surface (on se croirait à Bures, vous savez, l’enfouissement pour cent mille ans de nos crottes nucléaires ). Autant dire qu’il en chie le bousier, c’est karmique.
Et magnifique.

Et puis « Suave et courtois ». Une musique sans contrastes étriqués (oui, contrepet il y a ), autour du batteur qui se démène comme une machine à commande numérique : de la précision avant toute chose, pas de bavure, faire nanométrique. Ça a un faux air de musique électro et acoustique et c’est beau.

Déjà fini qu’on se dit. Mais où vont-ils chercher tout ça ? Ils prennent des trucs ? Parce que, jouer cette musique, passe encore mais la rêver ?

Samedi 16 janvier 2016 - 21h00
Le Triton
"In Love With" dans le cadre de la Quarte Blanche à Sylvain Darrifourcq.
11bis rue du Coq Français
93260 Les Lilas