Le quintet éphémère et l’éternité

Domancich tapote trois notes, Rogers lui fait écho, les deux souffleurs, le batteur les rejoignent et magie de l’instant : on y est, en cinq secondes. Public attrapé par le scrotum, chopé aux tripes, fouaillé profond, emporté dans leur souffle. Pneuma, Chi, Souffle, va nommer le truc ...

Elton Dean
Elton Dean
Par Original téléversé par Melancholyblues sur Wikipedia italien — www.jjona.it, CC BY-SA 2.0

Le monde est musique, partout, d’emblée. On ne le sait pas encore mais ces cinq colosses en forme de quintet éphémère d’un soir jouent éternel. Au piano, Sophia DOMANCICH, à la contrebasse Paul ROGERS, à la batterie Simon GOUBERT, au sax alto et saxello Paul DUNMALL, au ténor Evan PARKER. Pas des perdreaux de l’année mais tous ont côtoyé Elton DEAN et s’en viennent fêter-célébrer les dix ans de sa disparition.
À l’horizon, aucun trifouilleur de potentiomètre et de musique augmentée, de la musique acoustique, rien que de la musique acoustique.
Convoquer Albert Ayler, Peter Brozmann. ? Inutile, ils s’en passent.
On est emporté dans un flot bouillonnant, ravageur et rageur, une onde brûlante qui dévale la pente et tranche l’océan : Moïse et sa trique érigée fendant les flots.
Leur fureur furieuse alterne avec une intense douceur sidérante. On est dans la matrice du jazz, on trempe dans un jacuzzi sonore collectif, au mitan de la musique libre. Celle qui a du cœur, palpite, tachycarde, fibrille.
Folle générosité, permanente jeunesse.
Goubert ne joue pas de la batterie, il tripote un nuancier et refait la déco de couleurs éclaboussées. On les voit !!!
Leurs oreilles immenses palpitent au-dessus d’eux au service d’une intense communication aux effets instantanés.
Ils terminent le morceau et le set (oui, un set d’un morceau ) et vont s’humecter la menteuse, ils le méritent.
Au second set, Didier MALHERBE et ses flûtes les rejoignent. Comment intégrer des phrases mélodieuses dans un groupe chaud-bouillant comme une lave à peine éclose ? C’est l’enjeu.
Fin de l’apesanteur 50’ plus tard.
Rassembler les bouts de soi en expansion.
Ré-habiter son corps.
Merci Madame, merci Messieurs.
Les absents ont eu tort, il est des soirées qui content (oui, qui content ).

samedi 6 février 2016
Le Triton
11bis rue du Coq Français
93260 Les Lilas