des enchanteuses

Elles commencent à 200 à l’heure, les trois sisters, à peine installées devant leurs micros. Un truc qui swingue à donner envie de se lever le cul du fauteuil. Pas question de ranger sa collection de timbres, de rêvasser doucereusement à l’avril qui vient voire de pioncer, là, au milieu des gens. On se croirait dans un flash back, au cinéma : le porte-avions Le déconnant s’est garé dans la rue du Coq Français. Des marins en sont descendus, elles les attendaient : trois femmes de noir vêtues, élégantes, glossy, chantantes. Les attendaient comme on attend des hommes pour leur montrer à quoi ressemblent de vraies femmes assumées et qui le revendiquent. Mecs musculeux, testostéronés, tatoués « Maman je t’aime », attention : elles frappent sous la ceinture.

THE GLOSSY SISTERS : "Babillages"
Autoproduction

Arrangements millimétrés, gestuelle maîtrisée, swing de la bonne époque, comme ressorti du placard. C’est en anglais, on n’y comprend rien mais pour swinguer, ça swingue. « Elles envoient » dit une voisine.
Et ça prend pas des plombes pour se dire qu’on a à faire à de vraies chanteuses, bourrées de talent. Puis, tiens, c’est pas banal, elles chantent aussi en français. Et pas que des niaiseries. Comme si, derrière les brutes mâles se planquaient des sentiments tendres, des émotions sincères qu’elles vont aller chercher.
Elles nous apprennent « On dit pas madame, on dit Mademoiselle  », elles revisitent « Johnny, fais-moi mal  ». Et, ce qui semblait vraiment écrit, appris, interprété, laisse place au premier solo. Yes. Un vrai solo vocal. Pas chichiteux-mégoteur, engagé, osé.
Elles tentent de chauffer la salle, elles ne savent pas qu’on est chaud déjà, elles : Claudine PAULY, Lisa CALDOGNETTO, Marion CHRÉTIEN, et leur contrebassiste Michel MOLINES.
Avec une pièce de Duke, elles aggravent leur cas de jazzeuses en faisant tourner un joli 4*4.
Avec « J’me fume », elles confirment leur ouverture, ce « J’me fume, j’me consume, j’me rallume » juste poétique, nous rend encore plus attentifs.
Piaf y a droit aussi avec son «  accordéoniste » qui se retrouve branché sur le triphasé.
Molines les laisse seules pour un worksong décoiffant : percussions du pied, des mains pour un chant intense, engagé, limite poignant, qui pourrait ravir dans les manifs contre le projet de loi travail. ( Tiens, au fait, vous avez vu que chez les grands patrons, on confond rémunération et rapacité ? Et que la recherche de pérennité des positions des uns a besoin de la précarité des autres ?).
Elles terminent avec leur hymne : Brillant babillage.
Toniques, enjouées, percutantes, tip top les sisters et leur bassiste (oui, le tout au féminin pluriel !!! ).
Leur très grande facilité laisse à penser qu’elles n’ont pas exploré tous les possibles de leur art. L’avenir leur tend ses bras enchantés.
On les rappelle, évidemment bien sûr, et pas pour faire poli.

Jeudi 31 mars 2016
Le Triton
11bis rue du Coq Français
93260 Les Lilas