Ils descendent des limbes de l’Atelier du Plateau, Didier PETIT ( violoncelle et voix ) par l’échelle verticale, Philippe FOCH ( percus et voix )par l’escalier. Le premier empoigne son violoncelle comme un encensoir et sonorise l’espace, le second échoïse d’un souffle chuinté. Du fond du monde, là-bas, une voix file un son qui finit d’installer les limites de l’espace sans limites : Claudia SOLAL ( voix, mimiques, gestes, chevelure platine spatiale ).
Il est question d’un décollage « on s’attache, on s’arrache » et Didier PETIT, récitant aussi, nous donne les éléments du contexte. Il faut le temps qu’il faut pour s’acclimater à ce trio buccal et à ses sons si saisissants. Est-ce que la musique spatiale emprunte à des modes différents, le propergolien et le solénien en lieu et place du ionien et du myxolydien ?

On pense à Luc Le Ténia pour la poésie mais le lien qui mène du décollage à l’œuvre suivante n’est rien de moins qu’un pur moment d’improvisation. Qu’on se le dise ; ces trois-là ne font pas dans l’approximatif ; le j’ose pas, ils ignorent. Un grand vent de liberté les secoue.
« Une météorite m’a percé le cœur  » qu’elle annonce, SOLAL, "j’ai besoin d’une transfusion de mercure  ». Texte de Gainsbourg et Solal à la place de Bardot, on y gagne. Évidemment, tout au loin là-bas, comment faire savoir d’où l’on vient ? Un voyageur de l’espace ou un migrant, quelle différence ? Alors elle donne les indications : « tout droit entre Vénus et Mars, vous ne pouvez pas vous tromper. » On a beau se trouver dans les grandes banlieues de la galaxie, rien de plus joli, suranné et terrien que de parler d’horloge et de logis ( et tout ça en français !! ). On flotte dans un bain suprapoétique.
Avec Vous-mêmes, Solal nous offre une impro a capella hallucinante hallucinée, elle doit respirer des trucs là haut, des trucs qui font du bien par où il passent. PETIT complète d’un solo intense mêlant mélodie et silence habité. Ils survolent l’Asie ? Il y a du rugueux de samouraï énervé dans le propos de PETIT, de la mélopée de geisha chez Solal et FOCH maltraite ses tambours et ses peaux comme un ostéo sous amphés. Ça y est, ils se sont trouvés, rejoints, rabibochés, ils ont dû partager le même produit qui les chauffe haut et c’est drôlement beau. Le public est en apesanteur.
Ensuite, une histoire d’exoplanètes (« la nuit la nuit quand je ne dors pas je rêve à ma fenêtre... » ), les aventures de Martine la guenon allée et revenue de là-haut.
On dirait une performance de funambules : chacun cisèle son propos avec une finesse de tailleur de diamant sur fil : FOCH alterne bidouille électro et mode acoustique et question création de sons, il excelle ; SOLAL gravite là-haut et cavale tout le long de sa tessiture avec virtuosité, PETIT mêle gestes, voix, cello dans un discours global-total.
On est emporté.

Jeudi 9 mars 2017
Atelier du Plateau
Impasse du Plateau
Paris 19è


Le disque :

Didier PETIT – Claudia SOLAL – Philippe FOCH : "Les Voyageurs de l’Espace"





> Buda Musique - 860294 / Socadisc

Didier Petit : violoncelle et voix / Claudia Solal : voix / Philippe Foch : percussions, électronique, voix

01. Contact (Gainsbourg) / 02. Moteur / 03. Son de la lune / 04. Dérive / 05. Passager clandestin / 06. Sursaut de l’ange / 07. Dessin dans le ciel (Robert-Roy) / 08. Nu / 09. XoXo / 10. Sans amarres / 11. Dandy / 12. Philae / 13. Vrillé / 14. Syndrome du zéro / 15. Vide sensible / 16. Martine / 17. Ferrailleurs du ciel / 18. Discrètement je m’éclipse / 19. What a wonderful world (Thiele - Weiss) // Enregistré au GMEM à Marseille du 4 au 7 avril 2016.