Une musique qui donne à voir

Ils sont quatre, de Toulouse ( entendre « de toulouseucooongueu » ).
Ferdinand DOUMERC sax alto et ténor, flûtes, Florian DEMONSANT accordéon, Jean-Marc SERPIN contrebasse et Pierre POLLET aux percussions.
Un quartet donc qui commence en trio, le batteur en pleine préparation mentale au fond, derrière eux. Avec un morceau pas du tout flambard genre on les chope au scrotum et on les lâche plus. Non, non. Un truc avec plein de trous. Tu vises les interstices et tu places ta note. Hop hop au suivant. Il s’agit de viser juste, pas d’en mettre à côté. C’est pas l’intro la plus sexy mais question de nous faire nous concentrer, bravo. Personne ne moufte. La fille de l’ombre, le titre. On a bien vu l’ombre, la fille pas du tout.

Ils enchaînent avec Elle aimait l’été. Ça, qu’on se dit, c’est de la musique qui donne à voir. T’écoutes la BO et tu te fabriques la séquence sur ton petit youtioube embarqué. Le saxo alto dansant à souhait vente la jupe de la fille et la fait danser autour de ses longues guibolles. On n’est vraiment pas dans le concept avec leur musique, elle raconte des choses, une mélodie métissée, rythmée, un soir de fête au milieu du quartier. On imagine une bande de circassiens enflammer l’arène et les airs. D’ailleurs, la fille sur son câble, qui s’y aventure avec la tranquillité d’une qui marche sur le trottoir, ça calme. La musique souligne son avancée, ses balancements en recherche d’équilibre, elle le fait exprès de presque rater et la musique insiste sur les moments d’effroi. La basse à l’archet, le batteur aux toms : ils marquent les pas, l’élan, le silence avant qu’elle ne triple saute. Elle a réussi et la liesse emporte le public dans une farandole de ouf.
Au ténor, Doumerc nous envoûte d’un son velu comme on disait de celui de Guy Lafitte et les silences-notes brèves-silences-enchaînement chacun son tour, ça ressemble à une marque de fabrique cette impermanence maîtrisée. Tu crois que ça va durer toujours, ben non, point de confort durable, le changement c’est maintenant. Et l’hommage au Melchizedec, c’est carrément le moment pogo, on voit le dessin animé défiler.
Avec ce côté rythmique appuyé, c’est la mélodie qu’ils privilégient. Leur musique chante, caresse. Et cette pièce lente introduite à la flûte à bec, la flûte à bec, vous vous souvenez ? l’instrument qui a dégoûté à vie des générations d’enfants de toute pratique musicale, eh bien elle amène un genre de slow, le truc qu’on dansait à deux avant l’invention de meetic. La sieste, ça s’appelle. Donc un slow prémonitoire. Accrochés l’un à l’autre, on ne sait qui porte qui, ils vont devoir décider : chez toi ou chez moi ? Ce qui peut les aider, les danseurs, c’est l’aléatoire, les ruptures, tu crois que tu vas l’enchaîner pépère ton pas de chacha-beguine-méringuée, bammm : ça fait rock acrobatique et tu virevoltes sur les épaules de ton gars.
On sent bien que rien n’est joué avec leur manière d’interrompre ce qui semblait s’amener logiquement. Et si ¾ d’once, ce n’est ni le Voyage de Pierre Henry ni Le Livre des morts tibétains, on s’en approche.
On ne peut que penser aux repas de quartiers dont Toulouse s’enorgueillit et voir arriver les gens avec leur petit baluchon de bouffe à partager et Pulcinella déambuler ici et là et sa musique mettre en joie les unes avec les autres.
On les rappelle bien sûr et sûr que l’enjouée Tarentelle a attiré les dîneurs dans une folle farandole.

Mardi 30 mai 2017
Atelier du Plateau
Impasse du Plateau
75019 Paris


Le dernier album !

PULCINELLA : "3/4 d’once"



  • Ce disque figure dans la Pile de Disques de mai 2017 sur CultureJazz.fr : ...ICI...



> BMC Records - BMC CD 248 / UVM

Florian Demonsant : accordéon / Ferdinand Doumerc : saxophones, flûte / Pierre Pollet : batterie / Jean-Marc Serpin : contrebasse.

01. TPDC / 02. Elle aimait l’été - She liked summer / 03. Melchizedec / 04. Trois quarts d’once - Three quarters of an once / 05. Devant ta porte - Outside your door / 06. Les paris sont ouverts - All bets are off / 07. Melatonine - Melatonin / 08. La fille de l’ombre - Shadow girl // Enregistré au BMC Concert Hall de Budapest (Hongrie) du 4 au 6 janvier 2017.