Que serait le jazz sans l’enregistrement sonore ? Une musique perdue dans la mémoire des hommes. L’invention de la reproduction du son la fait naître inéluctablement avec le premier enregistrement, le “Livery Stable Blues” de l’Original Dixieland Jazz Band, le 26 février 1917.

Il est peu question de jazz dans le livre dont il est question : quelques photos de pochettes de disques (p. 248, 280-281), mais ce qu’il raconte a été déterminant pour cette musique : les inventions qui ont permis de transporter à distance et conserver le son, la musique.
Après une préface enthousiaste de Laurent De Wilde, l’ouvrage se divise en quatre parties décrivant l’évolution des techniques : l’ère acoustique ; l’ère électrique ; l’ère magnétique ; l’ère numérique. Chaque chapitre est précédé de croquis sur papier bleu pour les connaisseurs -dont je ne suis pas- et d’une brève chronologie interne. Il y a aussi des encarts consacrés à quelques personnages importants : Edison, Emile Berliner (inventeur du disque plat), Lee DeForrest (triode), Marconi, Alain Blumlein (stéréophonie), Les Paul (multipiste), Valdemar Poulsen (machine à dicter, puis bande magnétique), Phil Spector (producteur de musique populaire), Joe Meek (idem), Ray Dolby, Th. Stockham (traitement numérique d’un signal audio), Karlheinz Brandenburg (MP3), Shawn Fawning (Napster) ; et un indispensable index. Ce qui fait une soixantaine de page de texte sur les 350 du livre.
C’est que ce livre est avant tout un livre d’images, impeccablement légendées : photographies d’appareils les plus divers, tant pour enregistrer que pour reproduire le son, depuis les plus anciens modèles, de studios et personnages, d’artistes célèbres ; reproduction de disques, pochettes et catalogues. Selon votre âge vous verrez apparaître les objets qui ont été familiers depuis votre enfance jusqu’à maintenant.
Un beau livre dont le titre correspond au contenu, qui fera un excellent cadeau de Noël et viendra s’ajouter aux ouvrages consacrés à Verve et Blue Note publiés par le même éditeur.

Terry Burrows, La Fabrique du Son, La première histoire visuelle de l’enregistrement sonore (traduit par Frank Ernoult), préface de Laurent De Wilde, Editions Textuel, 2017, 349p, 49 euros.

Notons une erreur, p.114, légende de la photo de la p. 117 : “La voz de su amp”, lire “amo” ; et une question : si Les Paul est l’inventeur du multipiste qui permet de se ré-enregistrer en 1947, comment a fait Sidney Bechet pour jouer tous les instruments du disque enregistré le 19 avril 1941 ?
Le texte est fluide et facile à lire, sans jargon, il y a néanmoins une impropriété dans la traduction, p. 221 note 2 : “Il les [magnétophones] étrenne sur l’enregistrement de la 27ème émission” : “avec” ou même “par” serait correct.

[écrit en écoutant King Oliver avec Louis Armstrong 1923, enregistrement acoustique]

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À la question concernant l’enregistrement "solo" de Sidney Bechet, Pierre Gros (collaborateur de CultureJazz.fr) propose des éléments de réponse :
"Certes je n’étais pas là à l’époque mais outre le fait que la bande magnétique venait d’être inventée on pouvait enregistrer sur une bande la partie de contrebasse, faire rejouer cette bande en lecture par un magnétophone et enregistrer en même temps une nouvelle partie sur une autre bande avec un second magnétophone. Le problème de ce genre de procédé est qu’on ajoute à chaque prise du souffle inhérent aux consoles, aux studios, aux micros et aux bandes de l’époque. C’est pour cette raison que la trouvaille de Les Paul est une véritable avancée. On peut faire rejouer sans accumuler les ré-enregistrements, il suffit une fois que tout est enregistré sur la bande multipiste de faire un mixage final sur une bande deux pistes. Là, il est possible de faire éventuellement de la fausse stéréo, c’est le cas sur certains albums Blue Note où la trompette est complètement à gauche et le saxophone complètement à droite…" (par courriel le 6/09/2017).