Retour en images (et texte) sur les Éclats d’ARFI 2016 au moment où se profile l’édition 2017. L’occasion d’un hommage au tant regretté jean Aussanaire.
Quand l’automne arrive, l’ARFI [1] se met dans tous ses éclats en proposant sur cette tranche annuelle une série de concerts sans inhibitions.
La formule est loin d’être un simple slogan pour motiver les potentiels spectateurs. Toutes ces soirées se suivent depuis plusieurs saisons, elle viennent nous cueillir par d’inépuisables surprises ininterrompues. En 2016 nous nous laissions embarquer dans les différentes énigmes salutaires dont l’ARFI seule a le secret, en renversant en permanence les bonnes consciences musicales. Mais tout ceci ne s’élaborait pas avec le souci de provoquer, cet état d’esprit n’est pas dans leur nature première. On peut même penser qu’ils rejoindraient facilement cette phrase d’Elias Canetti sortie de son contexte du livre Le territoire de l’homme « …je ne veux inspirer de peur à personne. Rien au monde ne me ferait autant rougir… ».
L’intelligibilité de toutes ces évasions d’un soir furent traversées d’entretiens musicaux mis à l’épreuve du renouvellement constant. L’occasion perceptible de réinventer une histoire un rêve avec cette obnubilation rare. Une obligation fulgurante planait dans leurs intentions pour que l’aspect des éditions reste à chaque fois des épreuves différentes chargées de nouvelles perceptions. On sait déjà que la prochaine cuvée saura nous chambouler dans nos habitudes, pour apporter à cette rencontre un relief toujours plus attachant.
La capitale des gaules, Lugdunum, ne dispose pas d’un grand festival de jazz digne de ce nom pour une pareille cité. Il y a fort heureusement une certaine réparation avec ces éclats-là, où l’ARFI parvient à remédier à cette impéritie locale. Le seul écho retentissant avec lequel on nous abreuve en boucle, reste la biennale en tout genre. Au point que cela devienne une contagion morbide jusque dans la banlieue. Une toute nouvelle municipalité, à peine arrivée aux manettes, décidait la suppression du festival AVaulxJazz pour le remplacer par cette même effigie vénale nommée biennale. Cette histoire a laissé sans voix l’équipe chargée depuis des décennies d’organiser cet événement pleinement reconnu.
C’est donc à l’ARFI de produire à présent chaque année d’incessantes interférences destinées à troubler cette torpeur citadine.
Ils s’y affirment d’ailleurs sans difficulté, selon un processus savamment orchestré au cours duquel ils déploient des illusions personnifiées avec un Jazz toujours frondeur. Sans vouloir prendre les notes avec des pincettes, ils s‘aventurent avec elles, pour les ausculter les embrouiller dans toutes les vraisemblances imaginables.
Cette année 2016 le langage collait à cette vaste évocation narratrice propice à délivrer de l’insaisissable dans un flot d’irascibles effractions sonores. Ici le sens de la parole délivrait l’axe musical, d’où surgissaient les voix débordantes aux clameurs bienfaitrices, de Charles Pennequin (au Marché Gare) ou bien de Jean Bojko (à la Bibliothèque de la Part-Dieu). Le collage des deux expressions se chargeait d’introduire cette nomination singulière qu’aucun acteur présent n’aurait pu anticiper préalablement. La pensée groupale s’émancipait sur ce passage d’irruptions dicibles mises en partage, pour s’arracher de la cruelle fatalité du propos attendu. Les signes stylistiques et conceptuels s’incarnaient au prix de l’improbabilité parcourue, pour que le tout paraisse réel et puisse se jouer dans des échanges musicaux librement avivés.
Les Eclats d’ARFI reviendront donc cet automne, mais cette fois-ci sans Jean Aussanaire que nous avons malheureusement perdu durant ce mois de septembre 2017.
Il y a des jours où il conviendrait de ne point ouvrir les messageries à notre disposition, pour ne pas se confronter à ce genre d’information désarmante, que représente la disparition d’un aussi généreux et magnifique saxophoniste de Jazz tel que lui.
L’image que l’on pouvait avoir de Jean Aussanaire était plutôt celle d’un musicien rempli d’une authentique vivacité d’esprit à l’endroit de la note et du rythme. Profondément habité d’une curiosité constante, ceci se vérifiait dans sa musique, où se reflétait une emprise volontaire, apte à repousser les frontières de la limite avec le possible et le supportable. Cet exercice ultime il savait l’incarner à la destination des respirations qu’il dosait en de subtiles occasions inventives.
« …le contenu dans ta poitrineEt la forme dans ton esprit. »Goethe
On se sent déjà bien seul à cette idée de ne plus le croiser dans les projets de l’ARFI avec son sourire si accueillant. Il n’avait pas en lui cette propension à jouer l’artiste, il invitait celui qui était venu l’écouter, à le suivre dans son univers où se révélait naturellement une source abondante d’habilités instinctives.
Dans un estaminet qui jouxte avec le siège du collectif ARFI nous avions parlé ensemble de son parcours, de son année passée aux Etats Unis et des musiciens qu’il avait pu croiser sur la terre promise du jazz.
Cet échange rendu possible en 2016 lors de son passage à la librairie Musicalame entouré de Clément Gibert et d’Eric Brochard. Cette discussion fut aussi spontanée que la diffusion qu’il savait faire émerger de ses saxophones essentiellement contagieux pour ceux qui évoluaient à ses côtés.
Brève est l’aventure de l’improvisation, mais lorsqu’elle est transmise par un instrumentiste aussi représentatif pour jouer avec cette rigueur le déplacement des lignes mélodiques, le contenu prend tout son sens en profondeur.
Son bon goût affiché pour les chemises de caractère nous empêchait de ne pas le repérer rapidement sur la scène.
C’est donc le cœur serré que nous nous dirigerons prochainement vers ses compagnons d’équipages, restés sur le pont pour poursuivre cette expérience unique aux multiples idées audacieuses.
Cette galerie de photos prend tout son sens, pour le voir évoluer au milieu de ses amis, qu’il observe attentivement du coin de l’œil.
[1] Association à la Recherche d’un Folklore Imaginaire - collectif de musiciens à Lyon depuis 1977.