et toutes ses dents

MÂÄK fête ses vingt ans. Et gonfle ses effectifs pour devenir le Big Band MIKMAAK. Seize lascars de la scène belge réunis au même endroit, le même soir, avec le même programme (!!!) et la foule qui emplit à ras bord la délicieuse salle du Centre Wallonie-Bruxelles.
Le trio piano-contrebasse-batterie au ras de la scène et, disposés en arc surélevé derrière lui, les autres musiciens : souffleurs, souffleurs et souffleurs.

Le batteur entreprend une œuvre solo assez gonflée : pas une jolie intro genre flaflaflaratafla et banzaï tous ensemble. Non non, une œuvre, c’est-à-dire une idée qu’il développe en prenant tout son temps, sans faire le malin-regardez et appelez-moi Shiva-, sans se la péter, un solo épatant digne de figurer dans les pièces à étudier (et relever) dans les cours de batterie. Vingt-deux ans, le mec, Samuel BER et même pas peur. Quand ils le rejoignent, ses petits camarades ne pétaradent pas, n’envoient pas de riffs ronflants, ne se déchaînent pas façon tsunami sonore. Une pièce quasi symphonique sauf que le solo de trompette et la tchatche flûte-tuba viendront nous rappeler que nous sommes au pays du jazz.
À reconsidérer le concert, ce premier morceau, Nine, contient un hologramme du tout : une musique de pochette-surprises, un mille-feuilles de rythmes, la culture du big band revisitée et réinventée.
Le pianiste, Fabian FIORINI, en tenue joyeusement trouble, le veston boutonné bas laissant apparaître un visage de femme dont on ne sait s’il est tatoué sur son torse glabre ou floqué sur un ticheurte, réjouit la salle avec sa présentation « à la belge » et du programme et des musiciens : pour compléter le trio, Yann LECOLLAIRE à la contrebasse et les souffleurs redoutables et brillants ; aux flûtes Pierre BERNARD et Quentin MANFROY, aux saxophones Bo VAN DER WERF, Jeroen VAN HERZEELE, Grégoire TIRTIAUX et Guillaume ORTI, aux tubas et trombones Adrien LAMBINET, Pascal ROUSSEAU et Michel MASSOT, aux trompettes Laurent BLONDIAU, Jean-Paul ESTIEVENART et Bart MARIS.
Une fois l’oreille et le corps accordés à leur musique qui ne se complaît dans aucune référence aux big band d’avant, c’est la plongée dans une perpétuelle surprise et la nécessité d’une attention soutenue pour ne rien laisser passer des trouvailles qui émergent ici et là. Des soli épatants, sans afféterie, vrais, des duos de collection de timbres : trompette-contrebasse, sax-clarinette, tuba-piano, des oppositions big band-solo a capella. Le pupitre des voix graves-sax baryton, tuba et trombones- sonne terrible et apporte une profondeur au sens chtonien du terme et surtout, le méli-mélo des rythmes. Avec l’impression que plusieurs formations jouent ensemble des structures rythmiques différentes. Un mille feuilles rythmique hallucinant. Comment font-ils pour ne pas se mettre à l’envers ou se laisser contaminer par leur voisin ?
Autant les nuances sautent aux oreilles, autant ce band et ses solistes font preuve d’une humilité confondante : personne ne se pousse du col, tous au service de la musique qu’ils interprètent.
Applaudissements nourris, nourris et nourris.
Il convient de le souligner, l’art de vivre belge, classieux et convivial, se perpétue, as usual, dans la coursive avec le pot de l’amitié offert par la maison.
Bien sûr, vivre un jour le rattachement de la France à la Belgique réjouirait les fous de belgitude, En attendant, on peut lire ou relire « Sur la piste du Collectif du Lion ».

Mercredi 17 janvier 2018
Centre Wallonie-Bruxelles
Rue Quincampoix
75004 PARIS

[Photo © Stéphanie de Clercq pour Mâäk Spirit ]