Cent trente sixième étape

Romain Baret

Au trente-troisième jour de l’année, le nouveau disque du trio de Romain Baret arriva officiellement. Ça rime, mais il y a trop de pieds pour faire un vers classique. « Naissance de l’horizon  », ainsi s’appelle-t-il, sortit un 02 février, jour anniversaire de l’inauguration du Cosmodrome de Baïkonour (1955). Allons donc ! Vue du Périscope, la soirée crêpes sembla néanmoins peinarde, d’autant plus peinarde que nous ne tînmes qu’un set, vaincus que nous fûmes par quelques miasmes microbiens sournois. Si public il y avait, il nous apparut en ce début de soirée empli d’une ataraxie qui n’était peut-être que l’amollissement consécutif à la fin d’une semaine humide et laborieuse. Cela n’ôta rien à la musique du quintet de Romain Baret (guitare). Entouré de Florent Briqué (trompette), d’Eric Prost (saxophone) de Michel Molines (contrebasse, basse) et de Sébastien Necca (batterie), il nous donna bien évidemment à écouter des titres du nouvel album précité. Fruit d’une écriture riche en nuances, chacun des morceaux que nous écoutâmes se distingua par un sens de la théâtralité marqué. Adepte de la rupture et d’un lyrisme quasi visuel, Romain Baret, enchâsse dans ces compositions les petites histoires de sa grande histoire en offrant à ses labadens musicaux des espaces de (ré) création non négligeables, développant ainsi des tableaux aux états d’âme moirés. Nous aurions aimé des plus amples développements pour ces évocations ; quitte à écrire cette musique, n’aurait-il pas fallu pousser le bouchon, perdre l’auditeur pour mieux le capter, le déstabiliser avec une heuristique du sensible qui l’aurait privé de mots à la fin du concert mais pas de questions ? Ceci n’est cependant qu’un léger bémol car nous appréciâmes à sa juste valeur l’art mélodique du guitariste, art pioché ici et là dans un corpus musical éclectique fort bien digéré, parfaitement soutenu par des musiciens complices et enclin à s’immerger dans la beauté des notes ; pourvu qu’on ait l’ivresse, n’est-ce pas ? Et personne ne fera dire et écrire que là n’est pas l’essentiel. Sauf si l’artiste, baigné dans un égocentrisme malsain, oublie son public. Mais ce ne fut pas le cas avec ce quintet avenant, capable du meilleur et du meilleur. Et puisque nous parlons de quintessence, nous vous rappelons que le 02 février est le jour de naissance de Louis Sclavis. C’était un lundi d’ailleurs et, cette année-là (1953), Edmund Hillary et Tensing Norgay allaient arriver au sommet de l’Everest (29 mai). Nous n’oserons naturellement pas vous faire le coup du « c’était prémonitoire ». D’abord parce que cela ne l’était pas et qu’après tout, il faut bien séparer les sommets et les sommités. Et parlant d’artistes plus que talentueux et reconnus, nous vous devons un dernier aveu. Admirateurs que nous sommes d’Anouar Brahem, nous avons à l’écoute de son dernier disque au luxueux casting (Dave Holland, Jack de Johnette et Django Bates) ressenti des sensations étranges faites d’un mélange audacieux d’excitation auditive supposée et de lassitude fondamentale. Manquant de recul encore quant à l’analyse détaillée du phénomène, nous demeurons déconcertés et même stupéfaits d’être passés de l’hypnotique au soporatif, de l’appétence au nonchaloir, à la vitesse de la lumière, ou peut s’en faut, seulement rappelés à la réalité musicale du projet discographique par les quelques lumineux éclats, bien trop isolés, d’un quartet dont la pantouflardise nous décontenança. Non mais c’est quoi ce bordel ? Noyés dans l’incompréhension, nous crûmes même que Jack le drummer avait cruellement forcé sur le Théralène®. C’est vous dire. Pas d’affolement cependant lecteurs sagaces, ils ne représenteront pas la France à l’Eurovision.


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