Cinquième équipée

L’autre dimanche, j’ai fait tourner les roues de ma fidèle automobile dans les miasmes torrides d’une vague de chaleur laissant percevoir tout un paysage de vacillements brumeux au bout duquel surgit le chien à trois pattes. Fred Gardette, saxophone alto autour du coup, se tenait sous l’image commémorative du défunt canidé. Accompagné du guitariste Sylvain Lorens, du bassiste Pierre Gibbe et de Philippe « Pipon » Garcia, il avait décidé de mettre en musique ses rêves rien qu’à lui. Ce fut mélodieux, un peu déjanté en sortie de virage, avec des images qui s’entrechoquaient sans vergogne, comme au moment de l’endormissement quand, lyrique, tu t’exclames ou presque : c’est quoi ce bordel ? Les fantasmes ne savaient plus où donner de la tête, le vivant vécu se demandait bien ce qu’il faisait là. Mais à l’évidence, il était à sa place. Un peu chahuté par des sonorités aussi vintage que la moustache de l’artiste, des lignes de basse électrique éclectiques, une guitare à la recherche de l’ambiance absolue et une batterie de poche aux pouvoirs débordants, le vécu dont je parle subit, sans dommage, le désir rêvé et le rêve désiré ou non du leader maximo songeur. Avec ça, la météorologie musicale de l’instant connut quelques soubresauts étrangement raccord avec la dominicale attitude de la brumasse étouffante citée plus haut (ligne 2 et 3) dans un « popitude  » aussi assumée que décalée. Un peu dark vapeur par moment, de part l’oppressive incongruité de l’onirique, quelquefois aux poste-frontières du kitsch quand la couleur musicale se chargea de pépites souriantes, la musique du quartet eut des allures de trip seventies à la « passe-moi le buvard ». Tout me parut logique (ou non) quand je lus sur le programme le nom du projet : « Tu transes ? » A l’improbable, nul n’est tenu et l’imprévisible est têtu. Était-il possible de sortir indemne de cette derviche tournette ? Peu importe, c’était un 1er juillet, jour qui vit en 1908 l’entrée en vigueur du SOS. Message in bottle ! Help me Fred • • • — — — • • • ; il s’en est bien gardette l’utopiste altiste lunaire. Et il plomba mon réel déjà défaillant par une inventive intrusion musicale imprévue et un talent rafraîchissant. Lui et sa bande de lascars musicaux amenèrent donc la trêve au Chien à pattes comme dans un rêve devant une audience légère mais délivrée du football par leurs pieds de nez super sonores. Qui l’eut cru tant nous cuisîmes à l’étuvée dans les fastes de l’été ?


Dans nos oreilles

Kira Skov
- The echoes of you


Devant nos yeux

Sylvie Germain - La pleurante de Prague


Le Chien à Trois Pattes