Vingt-septième équipée

L’autre soir, The LS Jazz Project était de retour aux affaires en partenariat avec le Chien à 3 pattes. Eu égard aux nombre impair de membres de l’animal et au statut comateux profond du projet scolaire lyonnais, fut-ce une équipe bancale ? Que nenni. En ce 23 mars, journée de fête nationale au Pakistan et journée de l’amitié hongro-polonaise (depuis 2008 seulement, faut pas déconner non plus), les deux réunis firent rejouer un paire d’as officiellement née il y treize ans d’un enregistrement intitulé « Passeurs de temps ». Et bien souvent, vous le savez, cela pique un peu quand passe l’étant heideggérien, ce dont on se fout ici bien que « ce qui se montre » soit une des composantes du concert, voyez-vous. Ceux qui se montrèrent, philosophiquement ou non, sur la scène du Pêle-mêle café, samedi dernier, étaient Bruno Tocanne et Jean-Paul Hervé. Un duo de duettistes valant mieux qu’un brelan de branleurs, je fus ravi de ma passagère implication dans leur conversation musicale car ils immiscèrent dans l’espace auditif du public auquel j’appartenais alors les éclats d’un discours ressenti par tous comme ragoûtant et affriandant. Et le discours fut d’autant fourni qu’ils avaient pris la liberté d’inviter deux souffleurs, partenaires de longue date du réseau Imuzzic, à savoir Fred Roudet et Rémi Gaudillat avec leurs trompettes respectives. La soirée musicale oscilla donc entre le duo et le quartet au gré des envies. Sur un répertoire très largement improvisé, les musiciens ne manquèrent d’exprimer leur passion pour cette notion étrange, de plus en plus, que l’on nomme sobrement liberté mais qui est utilisée à tort et à travers pour justifier sa réduction larvée dans ce beau monde civilisé qui tend à ne plus nous supporter tant le poids de la connerie se fait pesant sur ses épaules et ses pôles. Mais là n’est pas le débat puisque j’étais heureux entre les nappes mélodiques et/ou exploratoires initiées par les olibrius de service sur scène. Je vis passer bien des espaces et bien des atmosphères. Toutes étaient gorgées de cette substance musicale qui nourrit l’auditeur, pourvu qu’il ait des oreilles propres et grandes ouvertes. Bon, Fut-ce le cas de tous les auditeurs ce soir-là ? Je ne crois pas, hélas, car ils ne demandèrent pas de rappel. Mais c’est la faute de la musique improvisée tout ça ! Et que je te ponds des morceaux qui durent vingt-cinq minutes avec des intros traînant sur une longueur de temps suffisante pour y faire rentrer toute la pub d’avant le journal télévisé. Vous les jazzeux, ne savez-vous pas qu’on coupe à deux minutes trente de nos jours ? Et pour certain, c’est déjà trop long. Alors si en sus vous collez dans le bouillon des notes pas très franches, du genre qui rappelle l’embarras gastrique, comment voulez-vous que le spectateur s’y retrouve ? Moi, je m’y perds volontiers. Mais je suis masochiste et vous le savez. J’étais conséquemment heureux d’être avec vous dans ces contrées musiciennes sans frontières qui, si elles manquent pour un certain nombre de repères, sont le repaire où nos émotions s’épanouissent en liberté. Oh, quel mot bizarre viens-je d’écrire au bout de la précédente phrase… Sur le chemin du retour, pour achever la soirée, j’ai vu une étoile filante. C’est rassurant somme toute. Alors j’ai fait un vœu. Je suis un enfant.


Dans nos oreillles

Eilen Jewell - Live at the narrows


Devant les yeux

Gérard Macé - Le dernier des égyptiens


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