Quartet éphémère code 14.61.50...

> Salle du Triangle Théreval-Hébécrevon (Manche), dimanche 31 mars 2019.

Le jazz est en campagne avec Jazz dans les Prés. En Normandie, entre les départements du Calvados (Seulles, Terre et Mer), de la Manche (Saint-Lô Agglo) et de l’Orne (Flers Agglo), des liens se sont tissés autour du jazz dans le cadre d’une action concertée et ambitieuse pour ancrer la culture dans la ruralité.
Guillaume Chevillard, coordinateur artistique de Jazz dans les Prés et batteur des formations éphémères qui se constituent dans ce cadre a su établir des liens de confiance et de complicité avec les acteurs élus à l’échelon local comme en témoigne la présentation désormais rituelle des concerts. Un passage obligé et indispensable pour rappeler les axes fondamentaux de ce beau projet.
Cinquième saison donc avec une formule désormais éprouvée. Chaque mois, de mars à novembre, Un(e) musicien(ne) de jazz (ou des environs esthétiques proches) est invité pour quatre jours : une journée de prise de contact et de préparation du programme, puis trois concerts, un dans chaque pôle de ce dispositif triangulaire.

Pour ouvrir cette longue saison 2019, Louis Sclavis avait été choisi. Cet habitué des rencontres en tous genres et en tous lieux s’est prêté à l’exercice avec sa légendaire exigence bienveillante. Il fallait saisir l’opportunité dans le planning chargé du musicien. La veille de son arrivée en Normandie, il était avec son quartet au festival A Vaulx Jazz (Vaulx-en-Velin) (Chronique d’Yves Dorison !). Ensuite, il allait partir vers l’Italie pour un autre projet avec des musiciens transalpins...
À la clarinette ou à la clarinette basse, Louis Sclavis impressionne par sa maîtrise du discours : une science de l’équilibre entre le chant, la mélodie et les débordements improvisés très contrôlés.
En lui associant la finesse et l’élégance du jeu de François Chesnel (piano) et la contrebasse très sûre de Bernard Cochin, Guillaume Chevillard (batterie) a su composer un quartet parfaitement ajusté pour aborder la musique de Louis Sclavis.
C’est toujours un défi de proposer une série de concerts qui ne soient pas des jam-sessions plus ou moins préparées. Il s’agit bien là d’entrer dans l’univers musical de l’invité en lui apportant une couleur et parfois une fraîcheur singulière d’autant plus quand les protagonistes ne se connaissent pas ou peu. Le trio normand a reçu les compositions de Louis Sclavis en amont du concert. Le jeudi 28 mars, ils ont pris contact pour travailler le répertoire (des compositions récentes et d’autres plus anciennes) avant de se lancer dans cette série de trois concerts.
À la contrebasse, Bernard Cochin, incontournable dans le quartet Verona de François Chesnel, il s’est substitué temporairement à Sarah Murcia l’actuelle contrebassiste quartet "officiel" de Louis Sclavis. Laquelle Sarah Murcia était d’ailleurs l’invitée de Jazz dans les Prés en septembre 2018 (lire ici...). Une continuité assez logique dans la programmation !
Depuis ses débuts dans l’ARFI [1] lyonnaise au milieu des années 70 (Workshop de Lyon, Marvelous Band, Marmite Infernale...) puis au contact d’Henri Texier, Michel Portal et tant d’autres, Louis Sclavis a su conserver le même sens de l’écoute et de l’engagement dans le jeu collectif. Toutes ses formations régulières, ses collaborations éphémères sont portées par la même envie de jouer, de partager, de donner le meilleur. Le programme de ce concert est comme un chemin d’une vie très riche. Il pose les jalons d’un parcours d’amitiés et de rencontres : Cèdre (trio avec Vincent Courtois et Dominique Pifarely), Dresseur de nuages (Atlas trio), L’homme Sud (quartet 2014)... Wisdom et Loin dans les terres figurent sur le disque d’un autre quartet éphémère enregistré en Allemagne en 2017. Pour ce concert germanique, Louis Sclavis, sacré Légende du Jazz Européen, renouait avec une formule à deux anches (saxophone, clarinettes) qui n’était pas sans rappeler le Workshop de Lyon, jadis...(lire ici...)... Quant à La Dame de Martigues, c’est un nouvel hommage à son ami, l’artiste plasticien Ernest Pignon-Ernest auquel il avait déjà consacré le disque Napoli’s Walls en 2002)...
Un superbe final pour ce premier concert de la saison 2019 de Jazz dans les Prés, salué avec un grand enthousiasme par un public très nombreux. Ovation suivie d’un rappel en forme de clin d’œil à la manière de Maître Portal : Louis Sclavis a capela avec sa clarinette se lance dans une Petite Valse fraîche et étourdissante, vite rejoint par ses trois complices. Tension, détente, tout le savoir faire d’un grand musicien qui a su depuis toujours entretenir l’art des contrastes. Un écho à Pourquoi une valse ? qui figurait dans l’album Rouge en 1992...
Qu’on se le dise, Louis Sclavis aime jouer en Normandie et n’y vient pas si souvent, finalement !
Nous reviennent alors en mémoire son passage à Caen avec le Workshop de Lyon en 1979 ou 80 (?), un concert à Coutances le 10 octobre 1980 avec le Marvelous Band et Steve Waring pour commencer à poser les bases d’un futur festival (aujourd’hui célèbre), son passage avec le quartet d’Henri Texier puis, au fil du temps avec quelques unes de ses formations... Un chose semble certaine, le public a une grande affection pour le musicien et Guillaume Chevillard lui a offert une belle opportunité pour renouer avec le public tout en mettant en évidence les remarquables qualités des musiciens d’ici, loin dans les terres normandes !

À suivre en 2019, huit week-ends de jazz-rencontres avec Louis Winsberg (avril), Lou Tavano (mai), Natalia M.King (juin), Pierre Millet (juillet), Jennifer "Lil’Red" Milligan (août), Vincent Beer-Demander (septembre), Sophie Alour (octobre), Boujou Jazz Factory (novembre). Programme ici...


www.fcb.varembert.com/jazz-dans-les-pres . fr.wikipedia.org/Louis_Sclavis


[1Association à la Recherche d’un Folklore Imaginaire, compagnie de musiciens professionnels implantée à Lyon depuis sa naissance en 1977.