Quarante-deuxième équipée

L’autre jour, après l’escapade viennoise, j’opérai un retour vers l’intime dans la campagne beaujolaise afin d’écouter le duo de Sangoma Everett et Lionel Martin qui enregistra il y a peu un album en forme d’hommage au disque « Afrique » de Count Basie, arrangé par Oliver Nelson en 1971. C’était un 7 juillet 2019 et Joe Zawinul aurait pu avoir 87 ans s’il n’avait pris la tangente en 2007.

Dans la chaleur ambiante et devant un public fourni (ce qui n’arrangea pas la dite chaleur), les deux compères firent chauffer la colle (ce qui n’arrangea pas la dite « dite chaleur »), histoire que chaque participant garde à l’esprit que cette fin d’après-midi fut particulièrement chaude, à moins qu’elle ne fut bouillante, torride et ardente ou encore volcanique. En deux sets et deux coups de cuiller à pot, le saxophoniste (également claviériste pour l’occasion) et le batteur séduisirent donc l’auditoire grâce à une musique qui emprunta à l’Afrique la transe et les rythmes impétueux et au monde occidental les codes du jazz et de l’improvisation. Nourrie par deux courants, l’acoustique et l’électronique, la musique produite plongea dans des charbons ardents les thèmes du disque historique de Count Basie et quelques compositions originales qui ne dépareillèrent pas. Avec son ténor hypnotique, Lionel Martin, égal à lui-même, propulsa toute l’incandescence musicale à sa disposition pour magnifier le boulot, novateur à son époque, d’Oliver Nelson tandis que Sangoma Everett, tout en dynamisme percussif et précision d’exécution (on appelle ça la science…), recréa les traits rythmiques initiaux aux accents tribaux baignés dans sa couleur personnelle. Notons d’ailleurs au passage que ce dernier nous semble atteint d’une sorte de maladie rare que je pourrais qualifier de « syndrome de l’hyper swing ». Il suffit qu’il soit devant les fûts et l’on sent déjà la pulsation, souple et gracile, avant même qu’il ait sorti les baguettes et autres balais. Ça fait peur, non ? Non. Mais cela vous assure que rien de malencontreux n’arrivera. Et ce qui devait arriver advint ; le duo dynamita la salle avec un entrain juvénile, une joie non contenue si vous préférez, qui rappela à ceux qui l’aurait passagèrement oublié que le jazz peut être une fête et pas nécessairement le fruit de cogitations intellectuelles absconses, sérielles autant que sérieuses, qui me paraissent assez régulièrement chiantes à mourir car dénuées de plaisir partageable. Je ne suis pas néanmoins un farouche opposant de l’intellect, mais j’aime aussi que l’authenticité prime car elle est à même de traduire l’humanité qui sustente obligatoirement la musique.


Dans nos oreilles

Ole Kock Hansen / Thomas Fonnesbaek - Fine together / Nordic mood


Devant nos yeux

Jacques Roubaud - L’enlèvement d’Hortense


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