Samedi 14 mai

Cela fait vingt-cinq ans cette année que le jazz résonne de façon régulière dans l’église romane du petit village de Trivy (71520) avec un festival atypique (une date en mai, trois autres en juin septembre et octobre). Je m’y suis rendu en voisin vendredi dernier afin d’écouter le quintet d’Hono Winterstein. Je suis très loin d’être un spécialiste du jazz manouche, mais la présence de Sara Lazarus et de Diego Imbert m’avaient par avance convaincu. Une scène en lieu et place de l’autel, une nef bondée et des musiciens qui passent sous le porche, empruntent la travée centrale, cernés par le public, un public debout à la demande du maître de cérémonie et qui applaudit avec une vigueur souriante leur entrée, voilà pour le décor. Étonnant et sympathique, une sorte de fête païenne comme je les aime pour un concert classico-classique en deux sets avec du swing à la louche. Naturellement, le quintet débuta sans la chanteuse, il faut savoir attendre et, après deux épisodes musicaux de pompe manouche pure et souple, Sara Lazarus monta sur scène pour répandre la bonne parole du jazz festif. Et moi à qui il arrive encore d’écouter « Give me the simple life  », je fus fort satisfait de la voir sur scène d’autant que malgré les années, sa voix demeure ce qu’elle était. Avec un phrasé et une diction impeccables, des scats fitzgeraldiens hauts en couleurs et toujours pertinents, la dame tint la barre et embarqua le public avec une confondante aisance. Autour d’elles, quatre musiciens complices l’accompagnèrent sur du velours. Quand elle s’effaçait, Jean-Yves Jung au piano et Mike Reinhardt à la guitare entretenaient un dialogue fécond. Quant à Diego Imbert, il sortit de derrière les fagots quelques soli, avec ou sans archet, dont il a le secret. Le patron, Hono Winterstein, tint la baraque et n’omit pas, entre les morceaux, de faire valoir sa faconde… notamment quant à l’achat de son Cd. Durant le second set, une brève panne d’électricité (c’est toutefois toujours trop long) n’empêcha pas le groupe de continuer à jouer sans amplification seulement éclairé par les téléphones intelligents, de quoi renforcer plus encore le lien avec un public déjà conquis qui, au rappel, demanda (bien sûr) « Minor swing ». Requête exaucée par le groupe. Sara Lazarus, elle, revint poser la touche finale au second rappel. Fichtre, il existe encore des concerts avec deux rappels ! Mais c’était un vendredi 13… un jour qui, en 1988 à Amsterdam, vit disparaître, par la fenêtre de son hôtel Chet Baker. Les anges s’envolent comme ils peuvent ; l’enquête ne put jamais définir les circonstances exactes de sa mort. C’était également un vendredi 13. La touche finale pour une légende du jazz ?


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