vendredi 05 août

À Bois Sainte Marie, site clunisien, pour une seconde soirée au festival Musique en Charolais Brionnais. L’opportunité d’une soirée mêlant musique, littérature et poésie, étant suffisamment rare pour être saisie, je ne me privai pas de ce don offert par des musiciennes et musiciens de renom. Articulée autour de Proust et de quelques poèmes verlainiens, la soirée fut enrichie par des œuvres de Franck, Debussy, Reynaldo Hahn, Fauré, Ravel, Massenet, Duparc et quelques autres. Si Shani Diluka et Natalie Dessay avait imaginé le programme proprement proustien, c’est le festival qui l’enrichit d’autres repères musicaux compatibles avec le petit Marcel. L’ensemble dans sa diversité fut d’une grande cohérence, ce qui en soi est à l’image de la programmation. Soprano bien sûr, mais également lectrice à la théâtralité mesurée, Natalie Dessay sut donner corps à la poésie de Verlaine comme au discours proustien avec son habituelle justesse. Brillamment accompagnée par une pianiste au jeu clair et coloré, elle fit vivre l’émotion native du verbe avec une forme de sérénité que le temps seul donne à l’humain. Et c’est bien là tout le propos proustien que de sonder l’immatérialité du temps en le reliant à des événements dont la saveur se perd souvent dans les méandres obscurs de la mémoire morte. C’est également l’une des raisons de sa permanence dans le paysage littéraire. Quant à la sonate de Vinteuil imaginée par Shani Diluka, et qu’elle interpréta avec Sébastien Surel, elle me fit songer, par ses couleurs, au monde perdu des salons littéraires de la bourgeoisie fin de siècle, qui s’étiola aussi surement que la santé de l’auteur de la recherche, jusqu’à disparaître, poussiéreux à souhait et miné par l’entre-soi, dans un coin sombre de notre histoire littéraire. J’appréciai également la sonate de César Franck interprétée par Guillaume Martigné au violoncelle et Juliana Steinbach au piano, d’une manière générale l’ensemble du programme qui eut le mérite d’évoquer dans la nuance, plus que le temps perdu à proprement parler, un monde désormais oublié où la langue, dans son infinie richesse, développait chez ceux qui y avaient accès un imaginaire fécond et propice à la création. Tempus fugit. Et puis quoi, ne pas savoir si la langue de Proust est encore lue de nos jours, ou plus que par le passé, importe peu. J’ai souvenir d’une discussion avec Roger Grenier où il me disait que, proportionnellement, il n’y avait pas plus et pas moins de lecteurs aujourd’hui qu’hier. Je crois qu’il avait raison. On oublie souvent que la littérature et les arts nous empêchent de considérer d’autres réalités, plus dures que les nôtres, et que nous nous devons de partager et répandre le plus largement possible la culture là où la misère règne en insatiable maîtresse, faute de quoi nous finirons comme les salons évoqués ci-dessus.


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