mercredi 23 novembre 2022

La théo---logie charaf---ienne n’a qu’un dieu multiple, le (ou la) folk et ses nuances, le blues, ses dérivés, le blues et ses dérives, les dérives de l’âme et leur blues : la punkitude humaine en quelque sorte, dans sa miséreuse splendeur, celle qui marche sur les talus ou se perd dans les déserts, urbains ou non. Alors je vous le demande, qu’est-ce qu’un jazzeux de mon espèce foutait là, un 23 novembre, dans la lyonnaise et jésuite chapelle de la Trinité qui plus est ? C’est ma deuxième infidélité au jazz en un mois. Encore un peu et je pourrais débiter de la syntaxe au mètre pour les furieux du binaire de Rock & Folk… D’ailleurs je refuserais s’ils me le demandaient, à moins qu’ils ne remissent Hamster Jovial à l’honneur. Allez, ne rêvez pas, faut pas déconner avec l’impro, le free et le swing. Libre un jour, libre toujours. À chacun son rayon, comme disent les cyclistes, et les guidons seront bien gardés (ça me faisait chier d’écrire selles…). Il n’empêche, être invité par un p’tit jeune talentueux qui clôturait dans sa ville natale une tournée en France et au-delà d’une centaine de dates, j’eus plaisir à ne pas refuser. Et je vous rappelle au passage qu’avant de découvrir Ornette, Oscar, Wes, Miles et les autres, j’ai baigné toute ma prime jeunesse dans la marmite Neil Young et consorts. Oops ! Là, il y a de la rupture entre mes synapses et je m’éloigne du sujet... Or donc, ambiance feutrée dans la chapelle pleine comme un œuf, de la lumière au compte-goutte, un tout petit compte-goutte, et de la musique inspirante jouée par un type sincère bien entouré par ses amis musiciens, un genre de fête d’au revoir et de bonjour, de celle que l’on fait avant de s’engager dans un virage dont on ne sait pas exactement où il nous mènera et dont on espère un peu beaucoup. Partageur, il laisse quelques chansons à Raoul Vignal, donne de l’espace au chant de Lena Bessenay comme aux autres musiciens. Il y a des compositions originales, des reprises (Dylan, The Band), du blues bien roots, le tout en mode paisible, content d’être là, à la maison, après la route. Et on sait que la route est complexe. On aime la prendre, la parcourir et on aime la quitter. La quitter pour mieux la retrouver. Une sorte d’amour perpétuellement contrarié, du noir et blanc et une gamme de gris tantôt limpide, tantôt triste et plate. En chemin L’artiste croise des ombres tutélaires, la voix profonde des derniers albums de Johnny Cash, du Neil Young sur le fil, l’esprit de Townes Van Zandt, j’en passe (je n’écris pas un roman), vu que vous, lecteurs habitués du site préférez a priori le jazz. Mais ne soyons pas sectaires, quand la musique est belle, peut importe sa provenance, pourvu qu’elle ait l’indispensable supplément d’âme qui fait la différence, et en l’occurrence ce fut le cas, avec des mots doux interrogateurs, des phrases qui questionnent l’intime et sa vastitude sur des mélodies accrochant les pavillons sans effort. Les musiciens eurent d’ailleurs droit à ce qu’il est convenu d’appeler une standing ovation (une longue salve d’applaudissements debout, pour les puristes). Avec la réverbération naturelle de la chapelle, ce fut parfait. Théo Charaf se balade, la vie en bandoulière et, en ce moment, il mange du pain frais bien mérité. Encore un peu et, pour sûr, il aura la confiture. C’était, je le répète, un 23 novembre, pluvieux (quasi un pléonasme), jour qui vit naître le mississipien Robert Lee « R.L » Burnside (1926-2005) et l’immense Peter Lindbergh (1944-2019). Que voulez-vous de plus ? Des frites ? Un verre de rouge sang ?


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