Peter Brötzmann (1941-2023)
Peter Brötzmann (1941-2023)

PETER BRÖTZMANN . The Catch of a Ghost

I Dischi di Angelica. / Orkhêstra

Peter Brötzmann : saxophone ténor et taragot
Maâlem Moukhktar Gania : guembri et voix
Hamid Drake  : batterie

PETER BRÖTZMANN . The Catch of a Ghost
PETER BRÖTZMANN . The Catch of a Ghost

Un géant du jazz nous a quittés le 22 juin dernier à l’âge de 82 ans.
Apparu sur les scènes au début des années 60 après des études d’arts plastiques, Peter Brötzmann se tailla rapidement une place en ces temps de bouillonnements en tout genre.Tout en s’inscrivant dans la lignée du (free) jazz afro-américain qu’il ne reniera jamais, il fut l’un des créateurs principaux de ce courant d’une Nouvelle Musique Européenne émancipée de la nation-mère. Cofondateur en 1969 de FMP (Free Music Production), maison de disques indépendante majeure de ce mouvement, le saxophoniste allemand enregistra de nombreux disques sur ce label, dont certains ont marqué l’Histoire comme « Machine Gun », une déferlante d’une violence inouïe, réalisée en octette en mai 1968 (comme par hasard !) qu’il faut avoir entendue une fois dans sa vie !

Souvenir personnel inoubliable : j’ai découvert le trio Peter Brötzmann-Fred van Hove-Han Bennink au festival de Reims en novembre 1975 – il jouait aussi dans le Globe Unity Orchestra – dont la prestation constitua l’un des plus gros chocs de ma “carrière” de spectateur. J’ai revu un certain nombre de fois dans les années qui suivirent ce musicien puissant et râblé qui soufflait dans toutes la gamme des saxophones, impressionnant au saxo-basse qu’il manipulait comme si c’était un soprano ! Au début des années 80, quand le courant majeur du jazz commença à faire marche arrière et prendre un rythme de croisière tranquille pour devenir largement une musique de divertissement confortable pour classes aisées, Brötzmann ne rentra pas dans le rang et n’abandonna jamais cette sorte de brutalité généreuse qui le vit s’allier à de nombreux musiciens de tous les pays, des Américains jusqu’aux Japonais avec qui il fonctionnait à merveille.
Il enregistra beaucoup, ajoutant son souffle impressionnant dans des configurations de toutes sortes. « The Catch of a Ghost » est l’un de ses derniers disques, enregistré en public – il faut entendre les applaudissements aussi nourris que chaleureux – à Bologne en 2019 avec Maâlem Moukhktar Gania dont le guembri, dans un registre un peu à mi-chemin entre la guitare électrique et de la basse, se place comme pivôt du trio que complète le grand batteur Hamid Drake, compagnon de Brötzmann depuis des décennies. Moins chargée, moins touffue, plus aérée comparée aux cyclones d’autrefois, la musique conserve une force et une puissance qu’aura maintenue le saxophoniste jusqu’à son dernier... souffle !



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