Samedi 26 août 2023

Achever la quarante-sixième édition du festival Jazz Campus en Clunisois avec le sextet d’Yves Rousseau est toujours une bonne idée. Car même si je ne connais pas le répertoire joué, je sais qu’il sera composé dans des formes ouvragées où la finesse du détail est aussi importante que le flux musical généré, quelle que soit l’instrumentation. Le contrebassiste possède en effet à mes yeux cette faculté à lier complexité d’écriture et lisibilité qui le démarque et le rend attachant pour le meilleur. Dans une salle bien pleine (ce fut le cas tout au long du festival) et à une température enfin raisonnable, la formation inusuelle (trois saxophones, un violon et une rythmique) offrit donc en partage une musique empreinte d’un beau lyrisme et qui permit à chacun des musiciens d’exprimer sa vision musicale particulière en enrichissant le collectif. Les diverses influences qui la traversèrent se complétèrent à merveille, créant dans la substance une galerie de paysages sonores ouverts à tous vents (ce qui est un minimum avec trois saxophones, n’est-ce pas ?), forts en nuances comme en contrastes. L’auditoire suivit sans mal le sextet dans sa quête de beauté habitée, qu’il s’envola sur des rythmes océanesques où qu’il s’alanguit dans l’entre-souffle où la plainte violonesque, éthérée, à peine murmurée. Le concert s’acheva sur une valse souple et légère qui, à mes oreilles, ne dépareilla pas du reste de la playlist grâce à l’homogénéité phonique du groupe. Tout ceci se déroula un 26 août, jour qui vit naître Brandford Marsalis (1970) mais qui vit également à Paris, en 1970, des féministes se réunir pour déposer une gerbe sur la tombe du soldat inconnu, portant la banderole : «  Il y a plus inconnue que le soldat inconnu : sa femme  » ; et le MLF naquit. Et si vous pensez que ces résistantes n’ont rien à voir avec une chronique sur Jazz Campus, vous vous fourrez le doigt dans l’œil jusqu’au coude (oui je sais, c’est douloureux). Et quoi ? Jazz Campus est aussi un repère de résistant(e)s (de tous âges) à l’uniformisation, au nivellement par le bas et au mercantilisme sauvage. Il y a même une disquaire indépendante qui vient de Dijon vendre des vrais disques, c’est vous dire. Pire encore, les membres de l’équipe sont amènes et souriants ; ça c’est une offense à notre société, à son désir de formatage et d’écrasement des émotions autres que celles qu’elle veut imposer : celles qui jaillissent de l’inculture massive comme de sordides verrues purulentes sur le visage d’une déesse. Ah c’est dégueulasse ! Il faut que je me calme. Après tout ma semaine de jazz fut belle


SHABDA

Géraldine Laurent : saxophone
Jean-Marc Larcher : saxophone
Jean-Charles Richard : saxophone
Johan Renard : violon
Yves Rousseau : contrebasse
Christophe Marguet : batterie


https://www.jazzcampus.fr/