Après le projet Love’s life visitant l’oeuvre de Jack London, Vincent Courtois s’est laissé emporter par le film Finis Terrae de Jean Epstein et en a composé la musique, musique qu’il interprète ce soir avec Sophie BERNADO au basson, Janik MARTIN à l’accordéon diatonique, François MERVILLE à la batterie et Robin FINCKER aux clarinette et sax ténor.
Qui ignore le contenu du film peut se laisser emporter dans des univers savoureux qui déploient leurs fastes tout au long de sept pièces enchaînées l’une à l’autre :
une fête élégante et classieuse en plein seizième siècle dans la cour du château Gaillard, les duos se succèdent : violoncelle et accordéon ( on croirait entendre Malicorne ), violoncelle et basson, à nouveau violoncelle et accordéon avant un solo de clarinette poussé au cul par l’accordéon. On imagine les tenues soyeuses, les candélabres créant ombre et lumière, la table longue et chargée de victuailles locales, des hanaps emplis d’un viognier voisin ;
une valse presque lente en plein Front Populaire qui offre un moment de récupération aux danseurs ( ils vaquent, boivent un coup ou deux, regardent les étoiles ), ça sonne ample, solide, ancré dans le sol et tiré vers le ciel, l’accordéoniste se fend d’un fantastique solo a capella avant la chute ronde, dodue et pleine du trio violoncelle-basson-clarinette ;
un soir de fest-noz à notre époque : le violoncelle impulse et le tempo et l’inlassable petite musique répétitive, les pieds martèlent la terre battue, on se tient par le petit doigt et tout s’emballe dans une folie collective breughelienne.
Il y a ces moments où le quintet entier sonne tantôt comme une houle puissante qui s’en vient déferler sur la côte, tantôt comme une houle étale dont l’ample mouvement lent frôle l’immobilité. Tout nous rappelle l’aujourd’hui : les transitions d’une pièce à l’autre qui conjuguent dissonance, bruitisme, free frit, les soli impeccables des unes et des autres. Bref, de quoi stimuler l’écoute et affiner et affirmer ce que l’on préfère.
La seconde grande pièce ( Le phare ) nous vaudra en particulier un solo incandescent au basson, en respiration circulaire s’il vous plaît, solo qui concurrence à l’aise Evan Parker et son sax soprano tant par son engagement physique extrême que par l’épaisseur du son, et celui du batteur, un modèle de tricotage dentellier, précis, fin, délicat.
L’ensemble du concert, un plaisir partagé par le nombreux public qui le fait savoir.
On les rappelle bien sûr.


Le Triton
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