Premier concert du mini-festival Autour d’un quart avec le trio Les jours rallongent : Sophia DOMANCICH au piano, Christiane BOPP au trombone et Denis CHAROLLES percussions.
Il ne faut pas longtemps pour saisir où nous avons mis les pieds : une courte pièce introductive s’en vient nous ramoner les oreilles, les petits poils autour et le matériel interne : attention, musique d’aventuriers hors pistes qui se jouent des limites. Inutile de s’accrocher à ses certitudes, il convient d’abandonner sa zone de confort et d’accepter, même en période de réarmement touzazimut, de se sentir totalement désarmé. Désarmé de ses préjugés, attentes, habitudes pour n’offrir aucune résistance et se laisser aller à ce qui advient.
Ça sonne contemporain, comme on dit d’une musique qu’on n’entendra jamais dans le centre commercial parce qu’elle réduirait à rien la fièvre acheteuse. La tromboniste use des nuances ( on peut tester la qualité de sa propre audition dans ses pianissimi ), des effets de bouche et du souffle, d’une sourdine aussi, le batteur fait feu de tout bois y compris d’une très grosse caisse à main, la pianiste use du silence comme d’un son spécial et de la retenue. Quel effet cela ferait-il, à cet instant où nos oreilles viennent d’être nettoyées-karcherisées du fatras bruitesque quotidien, d’écouter le prélude in mi mineur Op. 28 No. 4 de Chopin ( Oui, Jane B. de Gainsbourg ) ? La douceur en serait-elle maximisée ? Solo percussif au piano, solo de batterie amélioré à la bouche : on se sent comme dans une baignoire où des glaçons-icebergs et des courants froids se mêlent à l’eau chaude. Heureusement, Charolles soloïse à la main sur les peaux de ses drums, caresses nécessaires et bienvenues.
Bopp entame un morceau où l’on ne sait si elle trombonise, si elle chante ou les deux. Le piano l’accompagne d’un walk léger, on pense étude de Bach, c’est doux, lent, inspiré, prenant, très beau. Charolles vient mettre le brol dans l’affaire : il transforme son attirail percussif en nid de mitrailleuse pendant que le duo persévère dans son mood intime et tripal et que Charolles, au bout de ses munitions, laisse le terrain à la douceur. C’est simplement trèèèèès beau. Des dialogues se nouent et se dénouent, des trilogues aussi sans jamais nous la faire genre Grand Débat : je suis venu vous écouter m’écouter.
Il y a cette pièce qui, après toutes ces aventures sonores inouies, semble tellement normale : long solo de piano marqué à la culotte par la batterie : oui, il semble y avoir un tempo ( la pianiste bat du pied ) et peut-être aussi des mesures sur la partition et peut-être aussi des barres aux mesures, ils concluent par le thème repris à trois. C’est le moment de se souvenir que ces musiciens sont d’abord des jazzeux confirmés qui adorent s’aventurer en dehors.
Écoute et attention du public sans faille, gloussements de plaisir ici et là, applaudissements nourris ( sans OGM ).
Ils reviennent pour une courte pièce fanfaresque qui sent bon les facéties des Musiques à Ouïr.
Grand plaisir.


Atelier du Plateau
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