Mercredi 10 avril 2024

Pour tout dire, des jours existent où l’inspiration fait défaut. Pour l’essentiel, ces moments de disette créatrice sont dus au concert passé dont je dois faire la recension. Au périscope l’autre soir, Le saxophoniste Marcus Strickland était présent avec son quartet et j’étais venu, sans m’être auparavant renseigné sur le projet en cours, car j’avais le lointain souvenir d’une soirée remarquable dans l’ancienne cave du Crescent à Mâcon il y a une grosse douzaine d’années. J’avais donc dans la mémoire de mon oreille un jazz post Hard Bop new-yorkais inspiré. Ce que j’entendis en fut loin. Avec ce nouveau projet, le quarantenaire était électrifié. Je n’ai rien contre, je constate. Plutôt bavard dès l’entame du set comme entre les morceaux, il nous expliqua que cette musique était née pendant le confinement (c’est fou toute la musique née à cette époque, sans coronavirus que serait devenue la création…) et qu’elle avait pour fondement, je vous la fait courte, les difficultés des terriens à considérer le problème du réchauffement climatique. Il s’en suivit une heure quinze de gros son avec un batteur assez lourd, une basse énorme, des claviers et des synthés relativement vintage, auquel le leader ajouta son saxophone ténor agrémenté d’effets offrant une spatialité supplémentaire à l’instrument. Ce fut une sorte de jazz rock sensément croisé avec le hip hop, ouvert sur le futur ; il y eut bien une brève bande son où un inconnu déclama sur un sujet dont je ne captais qu’une partie du texte, eu égard à l’environnement musical en cours, mais pas de quoi me faire penser à Robert Glasper. Cette, je cite, bande-son afro-futuriste éclectique, destinée à sensibiliser le public à la miraculeuse planète Terre par le biais d’une esthétique panafricaine, réunissant de nombreux genres de musique noire me parut mal ficelée et quelque peu poussive. Mais peut-être ignoré-je mes limites. Toutefois, avec un arrière-goût de déjà entendu dans les esgourdes, je m’ennuyai bien assez pour éviter le rappel, d’autant que le dernier morceau, où chacun prit consciencieusement son solo, avec à la clef des crescendos et autres decrescendos propres à ravir les fanatiques, me sembla d’une longueur qui frôla l’éternité ; et comme disait l’autre, c’est long, surtout vers la fin… C’était un 10 avril, jour où disparut Evelyn Waugh (1903-1966) dont je vous recommande chaleureusement les écrits, ou encore jour qui vit en 2019 la publication de la première photo d’un trou noir. Et comme on dit que souvent à saint-Macaire, reviennent les giboulées d’hiver, je finis par songer que, sans que jamais elle ne me touchât, j’étais passé entre les gouttes de la musique du quartet de Marcus Strickland. C’est la vie, la la la la la…


Marcus Strickland : saxophone ténor/clarinette basse
Mitch Henry : clavier/piano
Kyle Miles : basse
Charles Haynes : batterie


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