SHEILA JORDAN . Portrait now

Dot Time Records

Sheila Jordan : chant
Roni Ben-Hur : guitare
Harvie S. : contrebasse

Un petit hommage à Sheila Jordan (1928-2025) ? Avec cet album sorti en février de cette année, on la retrouve en petit comité (une habitude chez elle) une guitare et une contrebasse, chanter des standards avec la justesse infaillible et le sens du rythme prodigieux qui l’ont toujours caractérisée. Elle swingue avec l’audace décontractée et l’habileté qu’on lui a toujours connue. Certes, la voix laisse entendre les poids des décennies (comment chanterez-vous à 95 ans ?) mais son sens de la nuance n’en est pas altéré pour autant. Bien au contraire, il montre toute la sincérité, le cœur, qu’elle met dans l’interprétation de ces standards plus ou moins connus. Même sa générosité et sa gentillesse légendaires peuvent être perçues dans sa façon d’aborder chaque thème, notamment quand elle scatte. Charlie Parker, avec qui elle était copine (elle avait épousé son pianiste Duke Jordan), l’appelait « the lady with the million dollar ears ». C’est d’ailleurs avec un Relaxing at Camarillo, dont elle a écrit des paroles se référant à sa relation avec le saxophoniste, que s’achève ce disque testamentaire comme un dernier « Portrait of Sheila », son premier disque (1963) à réécouter bien évidemment.


https://www.sheilajordanjazz.net/


  KURT ELLING & CHRISTIAN SANDS . Wildflowers, Vol. 3

Big Shoulders Records

Kurt Elling : chant
Christian Sands : piano
Marquis Hill : trompette (2)

Troisième volet des impromptus que réalise le chanteur chicagoan multi primé aux États-Unis, après un volume 2 avec Joey Calderazzo (et Ingrid Jensen sur le dernier morceau) et un volume 1 avec Sullivan Fortner (et Cécile McLorin Salvant sur un titre). Cette fois, c’est avec un des pianistes les plus en vue de sa génération, Christian Sands. Seulement cinq petits titres qui vont du standard au Bee Gees en passant par une musique de film d’Alexandre desplat… Sur cette playlist éclectique (quasi excentrique…), Kurt Elling fait parler tout son talent, parfaitement accompagné par un pianiste inspiré. Le trompettiste Marquis Hill apporte une once de couleur supplémentaire sur le deuxième morceau. Ca swingue, ça groove (avec un Blue Monk très bluesy) en parcourant tous les possibles. Bref, c’est fort bien foutu, entre amis, et le propre de ce style d’enregistrement étant le plaisir que les participants y prennent, soyez sûrs que vous en prendrez aussi en les écoutant.


https://kurtelling.com/


  LINDA MAY HAN OH . Strange Heavens

Biophilia Records

Linda May Han Oh : contrebasse
Ambrose Akinmusire : trompette
Tyshawn Sorey : batterie

On sait tous que Linda May Han Oh est l’une des éminences les plus en vue du jazz actuel, ne serait-ce que par la qualité de ses attaques, sa capacité d’improvisation. Elle a déjà joué avec une bonne partie du gratin et, cette fois-ci, elle fait compagnonnage avec l’influent Ambrose Akinmusire et le batteur Tyshawn Sorey, de quoi assurer un niveau de jeu et de créativité tendant vers le très bon. De fait, on est bien dans un jazz d’aujourd’hui dont l’improvisation est le miel. On nous assure que Strange Heavens est à la fois, je cite, une réflexion sur notre tendance collective à accepter l’enfer familier et une vision optimiste d’un avenir meilleur. Tout le monde sera d’accord, ou non. Une chose est certaine, ce disque laisse à l’écoute une saveur épatante, bien ronde, celle d’une musique parfaitement maîtrisée où chacun apporte un sens narratif en tout point remarquable. Il est également précisé que l’album est une méditation profondément personnelle sur la maternité, l’anxiété sociale et l’imaginaire narratif, ce qui peut être ressenti par un auditeur concerné. Nous, nous avons retenu la qualité d’ensemble de la musique jouée, sa puissance et l’osmose entre les trois musiciens. À écouter avec les deux oreilles.


https://lindamayhanoh.com/


  JEN ALLEN . Possibilities

TRR Collective

Jen Allen : piano, Rhodes, Wurlitzer
Leala Cyr : chant
Alejandra Sofia : chant
Dan Lipari : guitare
Matt Dwonszyk : contrebasse
Jonathan Barber : batterie

Nous ne connaissions pas Jen Allen et il est probable que nous soyons nombreux de ce côté-ci de l’Atlantique. Ceci posé, et comme il est bon de ne pas avoir d’œillères, nous avons ouvert nos esgourdes. C’est son troisième album, c’est du jazz (qui tend vers la pop) et c’est très bien fait, notamment quant à la richesse des mélodies. Les vocalistes sont très convaincantes et les instrumentistes sont du même tonneau. La cohésion entre les musiciens est présente et cela s’écoute avec aisance. Leader certes, Jen Allen donne la priorité à la musique et aux musiciens pour porter sa vision musicale, c’est assez rare pour être signalé. Ce disque ne révolutionnera pas le monde de la musique mais il est réalisé avec générosité, application et accompagnera parfaitement vos soirées estivales décontractées. À vous de voir.


https://www.jenallenmusic.com/