De la syncope musicale à la syncope littéraire

Pour son premier roman, l’auteur a choisi de rendre hommage à un musicien passionné de jazz, accordéoniste et batteur, ayant préféré l’anonymat à la reconnaissance, dont la vie est racontée sous un nom d’emprunt, suite à une rencontre décisive avec ce personnage bien réel vivant toujours à l’heure actuelle dans le sud de la province de Luxembourg.

"Les tambours de Louis" - Lucien Putz
"Les tambours de Louis" - Lucien Putz
éditions Namuroises - 2007

La vie petit rouquin mal aimé de sa mère, ne se consolant pas de la mort d’une sœur adorée, accordéoniste virtuose à douze ans puis jouant dans les bals de sa région, la Lorraine belge, au cours de batterie du maître Kenny Clarke en passant par la guerre de Corée en tant que volontaire à dix-sept ans, se déroule d’une façon mouvementée à la mesure de cette musique qu’il vénère, de cette syncope qui est une maladie musicale qui sert à guérie la phrase mais qui le sauvera : sans la musique je serais aux travaux forcés.

Ce roman foisonnant (un demi-siècle d’histoire contemporaine ; de la turbulence de sa jeunesse à l’âge de la retraite et la transmission du savoir) nous emporte en un maelström verbal dans lequel les accidents rythmiques et harmoniques, ces accords de « musique de nègre », se conjuguent en mots et phrases swingantes, frappantes, captivantes, enivrantes, envoûtantes, comme un respiration syncopée ou chaloupée venant du soufflet de son accordéon, comme un cœur qui bat avec des baguettes, avec des bouts de bois de fagots, il tape sur les casseroles, les chaises, les portes, les armoires, il tape dans les toilettes, sur les fenêtres, Louis est fou, on disait à ma mère t’as engendré un fou, il tape sur tout, tout le temps…

Louis Mellyne, celui dont la photo aurait pu faire la couverture des magazines spécialisés a donc décidé de rester dans sa région. Lucien Putz, celui dont le roman célèbre cette vie à la fois de renoncement et d’exaltation, nous invite à une réflexion sur le création artistique, sur le sens à donner à son existence. Il espère que le lecteur le suivra tout au long de ce chemin et qu’il ne s’arrêtera pas au premier caillou venu se coincer dans sa chaussure ; qu’il soit rassuré, dans la mienne, je n’ai pas trouvé le plus petit grain de sable.

Enfin, je voudrais citer la belle dédicace : à un artiste clandestin et exilé, accordéoniste dissident et dissonant, maître batteur et ramasseur de feuilles… avec la voix de Louis Mellyne.

Total respect, Messieurs.


> Les tambours de Louis ; Lucien Putz ; Les éditions namuroises, 2007

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