Coutances : c’est calme ! Une ville bien tranquille toute l’année sauf pendant le festival Jazz sous les Pommiers. Il suffit de quelques heures pour que la paisible sous-préfecture devienne une folle fourmilière humaine pleine de sons, de musiques, d’effluves diverses et tout cela grâce ou à cause du jazz. En guise de carte postale, voici quelques photos souvenirs sans prétention pour fixer ce qui, pour moi, reste (et restera peut-être...) de cette édition.
Cette année encore, chacun pouvait se construire un programme dense en fonction de ses goûts. Il est donc possible qu’un lecteur ne retrouve pas ici les concerts auxquels il a pourtant assisté ! Chacun sa route, vive la subjectivité et la singularité !
Avec une ouverture sous le soleil, tout allait pour le mieux le 26 avril. Point fort : le remarquable duo franco-finois de Cédric Piromalli(piano) et Veli Kujala (accordéon) qui, sur des thèmes de la chanson française des années 50 et 60 (Brel, Gréco, Barbara...) donnent libre cours à leur imagination avec un sens de l’improvisation soutenu par un solide bagage musical. Le pianiste de Triade, réinventeur de Monk a trouvé un interlocuteur à l’imagination débordante ! Superbe !
Jacky Terrasson est un grand pianiste, un prodigieux technicien. Il l’a prouvé une fois encore le mardi 29 avril en solo : une virtuosité raffinée mais souvent un peu froide. Ce n’est pas Elisabeth Kontamanou qui allait réchauffer l’atmosphère : elle était un peu ailleurs ce soir là... "Back to her groove !" peut-être. Le choc allait venir le mercredi avec l’éblouissante prestation de Dave Douglas avec son quintet compact, soudé, inventif. Lisez donc ce qu’en dit Jean-Pierre Poirier !
Comme dirait Jacques Chesnel : "Martial, c’est le plus jeune de tous !"... La preuve est faite ce 1er mai ! Aux commandes de son piano, à la proue du trio, Martial Solal entraîne avec lui les deux frères Moutin. Serrant les rangs, les yeux rivés sur le piano, ils suivent la cadence infernale de l’imagination du maître. Pour eux ce n’est pas la Fête du Travail : ils ne chôment pas mais leurs visages rayonnent de bonheur. "Froideur mathématique" pour le rouennais Michel Jules (prof de maths par ailleurs et pilote du Rouen Jazz Action !). Rigueur, sans doute, virtuosité extrême certes, mais au service d’une abstraction calculée qui crée un paysage sonore inouï. Martial Solal, c’est vraiment la grande classe, hors-classe même, dans cet univers mythique où règnent les plus grands noms du jazz, passés ou, comme lui, bien vivants.
Yves Rousseau n’est pas en terre inconnue à Coutances et la fréquentation du théâtre en témoigne : une salle comble à 18 heures ce vendredi 2 mai pour accueillir chaleureusement son projet "Léo Ferré : poète, vos papiers !". Il met en avant deux voix magnifiques : Claudia Solal (fille de...) et Jeanne Added. Tour à tour ou ensemble, elles savent mettre en valeur les textes de Léo Ferré portés par un fameux quartet qui sait leur donner une sorte de solennité libertaire qui transporte l’auditeur vers un ailleurs entre poésie, chanson et musiques créatives.
La réussite de l’album Songlines (Bee Jazz - 2007) nourrissait mon impatience mêlée d’inquiétude. Que serait le trio de Manu Codjia sans Daniel Humair ni François Moutin ?
Affranchi de la tutelle de D.H., le guitariste se révèle ici en vrai leader d’une des plus belles formations entendues ces derniers temps. Créativité, inventivité (Philippe Garcia et son mégaphone à histoires folles !), large culture musicale, prise de risques, absence de concessions : tout y est ! Même le grand saut périlleux lorsque Manu Codja invite Jeanne Added, au pied levé, pour deux thèmes étonnants : moment d’émotion intense, en particulier sur une version renversante de "Redemption Song" de Bob Marley. Une voix d’ivoire pour un trio électrique et magique : un des sommets de ce festival !
La présence dans ce programme du duo Vijay Iyer (piano) et Rudresh Mahanthappa (saxophone alto) était, à mon avis, un événement. Peu connus des amateurs et encore moins du grand public, ce sont pourtant deux des voix majeures du jazz d’aujourd’hui. Musiciens rigoureux dans leur cheminement et leurs convictions artistiques, il travaillent ensemble depuis une douzaine d’années pour parvenir à une approche orchestrale du duo basée sur des interactions constantes au-delà de la simple succession de chorus. Indignement programmés dans le cadre d’un concert promenade dans le chapiteau au pied de la cathédrale en plein après-midi, ne pouvant lutter contre les cloches en folie (jour de mariages !), ils ont sû tout de même garder leur calme et leur sérénité. Ils méritaient mieux... Espérons qu’on saura les réinviter : ils ont des quantités de projets passionnants à faire découvrir ! A suivre de très près !
On ne peut plus ignorer que le saxophoniste britannique Andy Sheppard est en résidence pour trois ans à Coutances et en Basse-Normandie. Le public bas-normand l’a adopté depuis longtemps (dès 1983...) et chacune de ses prestations suscite l’engouement. Avec le projet Saxophone Massive (près de 200 saxophonistes de tous âges et de tous niveaux) réunis dans une grande ferveur collective, il est allé droit au cœur du public grâce aussi à l’investissement de quelques pointures bas-normandes (dont Thierry Lhiver). On ne retiendra pas grand chose de son projet autour de Serge Gainsbourg si ce n’est l’incandescence du jeu du guitariste Nguyen Le. Par contre, il s’est montré sous son meilleur jour dans le cadre du Méga Bœuf organisé le 26 mai autour d’un trio de haut vol : Pierre-Alain Goualch, pianiste toujours inventif et subtil, Sylvain Romano, solide contrebassiste et l’excellente Anne Pacéo à la batterie... Parmi les invités : Céline Bonacina, une étoile montante du saxophone (bien plus convaincante dans son engagement "sans filet" que Géraldine Laurent qui, elle n’a guère convaincu le 1er mai !)
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