Le conservatoire de Lille accueillait en février dernier le trio Vincent Lê Quang, Jean-Luc Landsweerdt et Christophe Hache dans le cadre de l’opération Jazz en Scènes. Présenté comme une formation sans leader, la musique est essentiellement écrite par le virtuose Vincent Lê Quang, qui a fait du saxophone soprano sa spécialité ; original puisque beaucoup préfèrent l’alto ou le ténor.

Lê Quang est issu de la Schola Cantorum où il étudie l’harmonie, le contrepoint et la composition. Il suit également les enseignements de François Jeanneau et Alain Savouret dans la classe de jazz et musiques improvisées du CNSM de Paris. Après ses collaborations avec Riccardo Del Fra, Jean-Philippe Muvien, Daniel Humair..., il se distingue comme improvisateur subtil avec l’accordéoniste Vincent Peirani dans un duo lyrique et incandescent. Il remporte en juin 2003 les premier prix de soliste et d’orchestre au Concours National de Jazz de la Défense. Il participe activement au quartet auvergnat Autrement dit et rejoint le batteur et percussionniste Richard Héry pour un duo au carrefour du jazz et des mélodies modales indiennes. Plus récemment, il collabore au trio Yes Is A Pleasant Country avec le pianiste Bruno Ruder et la chanteuse Jeanne Added autour de poèmes de Edward Estlin Cummings, de standards de Duke Ellington et Billy Strayhorn. Il écrit la pièce Saisons commandée par l’ensemble Cairn et dirigée en Soundpainting.

Vincent Lê Quang
© Alexandre Tauveron / vlequang.free.fr

Son goût prononcé pour les petites formations est l’occasion de développer un duo intime qui mêle improvisations contemporaines et chorals de Bach avec le pianiste et organiste hongrois Laszlo Fassang.
Entre temps, il initie un travail important sur la pédagogie du jazz et des musiques improvisées en dirigeant des master-classe de Sound painting [1]. Vincent Lê Quang est l’un des seuls musiciens français à enseigner cette méthode avec François Jeanneau depuis dix ans. Ses qualités de pédagogue lui valent d’être nommé Professeur d’Improvisation Générative au CNSM de Paris en 2007.

Entouré d’une rythmique nordiste issue de la même génération, il poursuit son travaille de compositeur et d’improvisateur raffiné dans une musique qualifiée de « haute voltige voyageuse » par Xavier Prévost lors d’un concert à la Maison de la Radio. Lê Quang trouve l’équilibre parfait entre l’exploration de la forme des sons et la signification d’une musique libre de sillonner différents territoires, dont les univers traversés sont multiples (jazz, rock, musique classique). Jean-Luc Landsweertd (batterie) et Christophe Hache (contrebasse) figurent parmi les musiciens les plus intéressants du moment et participent activement au collectif Circum. Les deux musiciens sont membres de plusieurs formations : Circum Grand Orchestra, quartet Les quatre fils du Docteur Mars du guitariste Patrick Duquesnoy, quartet The Zoo du guitariste Sébastien Beaumont. Chaque projet est l’occasion de manifester leur étroite complicité musicale.

Le répertoire, en perpétuelle évolution, s’inspire de standards de jazz, de film ou histoires qui ont marqué Vincent Lê Quang. Le saxophoniste explore avec aisance une palette de timbres inhabituels au soprano : imitation d’une flûte en bambou puis d’une clarinette grâce aux timbres boisés dans « Thème de Wanda ».

L’énergie du trio est remarquable, les tensions excellent sans être abusées : une sorte de juste à temps parfaitement dosé. Les timbres du batteur sont joués avec aisance et spontanéité. La rythmique colorée, souple et précise le rapproche d’un Christophe Marguet. Le contrebassiste, au touché boisé délicat et impressionnant évoque le phrasé de Sébastien Boisseau.

La musique est naturelle, simple, parfois planante et totalement inouïe. Elle fait la part belle aux improvisations avec des contrastes entre des périodes reposantes et poétiques (« Like Someone In Love » et « Dans la boîte à clous tous les clous sont tordus », présenté comme une méditation sur un haïku de Hosaï) ; ou des moments plus vifs et rythmés avec « Netty Klacks » et « Anatole ondulé ». Les lignes instrumentales, jamais confondues, tracent une route à trois voix.

Le trio fit l’unanimité d’un public particulièrement attentif et touché par la beauté d’interprétation d’une musique créative. Chacun reconnaît l’immense talent des trois musiciens et leur façon de concevoir l’univers du trio comme une sorte de tout commun à la recherche d’une certaine épure mélodique.

Une formation unique à découvrir de toute urgence qui a tout pour faire beaucoup parler d’elle dans l’avenir proche. On espère avoir la chance de la retrouver peut-être un jour sur disque… La musique en vaut la peine, indiscutablement !


> Liens :

[1technique de langage gestuel de composition en temps réel à partir de gestes codés, initiée par Walter Thompson