L’art d’allier chansons et mélodies.

L’accordéon a fait sa place dans le jazz, certainement grâce à Richard Galliano, devenu célébrité du jazz musette (entre autres styles ! NDLR). La génération montante des musiciens de jazz français dispose d’excellents représentants : Lionel Suarez, David Venitucci, Didier Ithursarry, Vincent Peirani, après le succès de Jean-Louis Matinier, Marc Berthoumieux ou dans un autre registre plus contemporain de Pascal Contet. Il faut désormais ajouter à tous ces noms celui d’Éric Bijon.

Éric Bijon
Photo © Stephan Pelissier

Les amateurs de jazz ignorent peut-être que la scène bourguignonne regorge de musiciens d’exception. Le Centre Régional du Jazz en Bourgogne le prouve chaque année, grâce au soutien qu’il accorde aux formations locales avec le missionnement [1]. Parmi les récentes belles surprises de la scène régionale, on distingue le quintet de l’accordéoniste Eric Bijon. Originaire de Saône et Loire, il étudie dans les années 80 le bugle, l’accordéon, les percussions, l’écriture et l’analyse musicale au conservatoire de Dijon. Il intègre ensuite la classe de Max Bonnay au conservatoire de Paris 12ème, puis se consacre à l’enseignement. Il démontre rapidement une attirance pour l’accordéon dans la chanson française, après l’écoute attentive des accordéonistes de Barbara, Jacques Brel et Claude Nougaro. Côté jazz, il découvre les maîtres français de l’accordéon swing (Richard Galliano et Marcel Azzola), collabore au début des années 90 à un collectif montreuillois aux côtés de François Corneloup, Hélène Labarrière, Yves Torchinsky, Franck Tortiller... De retour en Bourgogne, il participe à plusieurs commandes du festival Jazz à Couches (trio, quartet, créations avec Gérard Siracusa en 1995, avec l’Accordéon Club de Châtenoy-le-Royal en 1999). En 1993, il entame une longue collaboration avec le chanteur Mano Solo, à l’époque peu connu, avec lequel il partage de nombreux concerts, enregistre cinq albums, écrit des chansons et des arrangements jusqu’en 2001, année où il enregistre « L’imprudence » avec Alain Bashung. Il intègre l’Orchestre National de Jazz de Franck Tortiller de 2005 à 2008 pour le programme « Sentimental 3/4 » (disque Cam Jazz en 2009 -lire la chronique), consacré à la valse et dans lequel l’accordéon occupe une place singulière.

Éric Bijon Quintet
Photo © Stephan Pelissier

Eric Bijon réaffirme son identité musicale en 2009 au festival de Couches avec son quintet, après quelques années d’absence [2], suite à ses engagements prenants dans la chanson française. Missionné cette année dans plusieurs lieux régionaux par le CRJ Bourgogne, on redécouvre son attache à l’écriture. Son univers ne répond pas à un jazz swing ou musette, souvent entendu, mais à des chansons instrumentales sans paroles et très écrites, dans lesquelles une place est laissée aux improvisations dirigées par des mélodies. On apprécie les talents de deux musiciens régionaux : le saxophoniste Jean-François Michel au phrasé vif et le trompettiste Patrice Bailly, au son velouté épais et soigné parfois proche de celui d’un bugle. Les deux soufflants s’adaptent parfaitement à l’orientation musicale de l’accordéoniste, bien que leurs univers diffèrent. Ils surplombent les lignes harmoniques chaleureuses de l’accordéon, notamment dans « Altaïr », « Les mains », « OK ciao » et « Marre de cristal », splendide hommage au trompettiste Michel Marre. On retrouve une rythmique très complémentaire : Yves Torchinsky (contrebasse) et François Laizeau (batterie). Ce binôme recherché de la scène européenne a été entendu aux côtés de Denis Badault, Simon Spang-Hanssen et Claus Stotter. Les mélodies dansantes, enthousiastes ou parfois tristes sont accompagnées des pizz délicates d’Yves Torchinsky et des rythmes animés de François Laizeau, dont les gestes accompagnent parfaitement la musique. Le quintet a conquis le public de la salle Gérard Philippe de Varennes Vauzelles le 23 avril dernier. Même succès le lendemain pour les auditeurs de l’Arrosoir, Jazz Club de Chalon sur Saône. La salle comble ne pourra malheureusement pas garantir de places assises pour tout le monde.

Ce voyage redonne espoir pour la diffusion de concerts dans ce lieu doté d’une histoire riche, considéré comme le plus beau jazz club de la Bourgogne, à l’action méritante, après des difficultés connues en 2008. A l’écoute de ces deux concerts émouvants, on peut définitivement dire qu’Eric Bijon donne une nouvelle dimension sans équivoque à l’accordéon « jazz » en France. Au programme de l’ouverture du prochain festival Jazz à Beaune, l’édition s’annonce prometteuse...

> Merci à Stephan Pelissier pour les photos !<

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> Discographie :

  • Avec Mano Solo : La Marmaille Nue (1993), Les Années Sombres (1995), Je sais pas trop (1997), Dehors (2000), La Marche (2001)
  • Avec Alain Bashung : L’imprudence (2002)
  • Avec Franck Tortiller : Vitis Vinifera (1997), L’orchestre - Sentimental 3/4 (2009)
  • Avec Patrick Rudant : Soffio (2003)
  • Pochains concerts :
  • 28/05/10 au Théâtre de Chauffailles (71)
  • 10/09/10 au Théâtre de Beaune (21)

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> Liens :

[1forme d’aide à la diffusion de formations dans un réseau de 22 lieux

[2le quintet avait été initié en 2000 et contenait le batteur chalonnais Christophe Drigon