Un son d’enfer !

Débarrassons -nous tout de suite du problème que soulève le titre de l’album. Il vise manifestement à toucher une frange de public extra jazz.
Mais a-t-on besoin de cela de nos jours ?
Plus personne n’a maintenant de complexe vis-à-vis de l’accordéon par exemple. Le son de la cornemuse se rapproche plus de celui de Coltrane au soprano que de celui du piano à bretelles. Et aussi du son de Bismillah Khan au shenai. D’autant que seuls deux titres sonnent "Cornouailles".

À l’heure où tout le monde avance avec bonheur ses racines ethniques ( Bojan Z, Avishai Cohen ), réjouissons-nous que le jazz ait sa propre « musique du monde », fut-elle bretonne.

ETSAUT : "Jazz et Cornemuse"
OPUS NEWS / PHONOPACA

Cela dit, Il aurait peut-être mieux valu laisser les gens juger par eux-mêmes et penser : « Putain, comment font-ils pour obtenir ce son d’enfer et cet alliage sonore d’un autre monde ». Mais peu nous chaut, c’est la musique qui compte. L’important n’est pas ce dont vous jouez mais ce que vous jouez. Dix secondes de Parker sur fond de chasse d’eau ont plus de valeur à mes oreilles que toute la discographie de David Sanborn.

Ce son d’enfer, on le prend dans la poire dès le premier titre, Guêpier ( gai pied  ! ). Après une intro digne du Manteca de Dizzy en 48, cela sonne comme s’il y avait un baryton là-dedans et le batteur Djamel Taouacht bombarde grave. Ouch !!!!!!
Pour clore le solo de « pipeau », le piano de Perrine Mansuy scande A Love Supreme, citation incontournable.
Quand je dis « pipeau », c’est afin de bien faire comprendre que pour les non-musiciens il va être difficile de détecter qui joue de quoi. Qui a jamais entendu le son de la « clarinette en roseau » ? Entre le sax, la cornemuse, les sifflets, la clarinette en roseau, le pandero, et le saz dont se vante de jouer Laurent Cabané, ça va être plutôt coton.
Mais c’est justement en cela que réside l’intérêt d’Etsaut, un alliage sonore d’un autre monde, une COULEUR unique. Comme l’intro de Polar par exemple, et dont le développement harmonique rappelle un titre du Yades quartet d’ Alain Venditti, dont faisait justement partie Laurent avant de quitter la Bonne Mère.

Cette couleur, on la trouve partout, comme dans la douceur suave et nostalgique des soufflants dans Duoduo, où Perrine distille un merveilleux solo. Comme dans la "ouateur" tibétaine de Ibogafatobé, ou encore la beauté plastique de Retour, où Perrine récidive . Elle joue en outre une intro digne de Duke Jordan dans Sievoz. Je le dis haut et fort, Perrine Mansuy est MON pianiste français préféré, avec Pierre De Bethmann. UN DISQUE OÙ ELLE JOUE EST DÉJÀ FORCEMENT UN BON DISQUE.
La basse de Laurent Cabané est en valeur dans un beau solo sur La fontaine de l’ours.

Voilà enfin un disque qui nous sort des schémas conventionnels.

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> ETSAUT : "Jazz et Cornemuse" - OPUS NEWS ET 3 - Distribution PHONOPACA

Perrine Mansuy : piano / Eric Montbel : cornemuses,whistles, clarinette en roseau / Laurent Cabané : contrebasse, saz, compositions / Djamel Taouacht : batterie, guitare / François Cordas : saxs, pandero

01. Guêpier / 02. Duoduo / 03. Dessus Dessous / 04. Sievoz / 05. Polar / 06. Ibogafatobé / 07. Mont Barral / 08. URBS / 09. La Fontaine de l’Ours / 10. Retour (valse à neige) / 11. D’un Endroit à l’autre

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