Never Alone (B. Angelini) / Cantopiano (G. Mirabassi)

Deux propositions singulières

Poursuivant son idée/concept « Standard Visit » de faire revisiter les standards par des pianistes d’exception, le producteur Philippe Ghielmetti (dont on connaît son goût pour le défi) a proposé à Bruno Angelini (né en 1965) de se positionner sur les traces de la chanteuse Jeanne Lee et du pianiste Ran Blake, deux musiciens fondateurs de son univers, pour un projet en forme de psychanalyse musicale basé sur les morceaux figurant dans leur disque The Newest Sound Around (R.C.A., 1963) ; il s’agit donc, comme pour le cinéma, d’un « remake ».

B. Angelini - Never Alone - Minium 2006

Fort d’expériences multiples (il a étudié les grands compositeurs du XX° siècle, suivi des cours de pratique d’improvisation, participé à de nombreux groupes, travaillé avec le chanteur Thierry Péala), affranchi des influences de Bill Evans et Keith Jarrett, il s’est donc ici approprié cette suite de standards dont il propose une sorte de transfiguration toute personnelle avec une prise de risque assumée puisqu’il lui fallait à la fois oublier le disque de référence et s’inspirer du duo célèbre face à la solitude du piano. Il confirme de belle manière (toucher délicat, sensualité dans le dépouillement), tout ce qu’on trouvait déjà dans le disque Empreintes, paru en 2003.

G. Mirabassi - Cantopiano - Minium 2006

Bien différente est le projet proposé à Giovanni Mirabassi (né à Perugia en 1970) : la rencontre entre ses deux univers de prédilection, le jazz et la chanson, entretenant avec cette dernière des rapports amoureux depuis 1993 lors de ses premiers engagements professionnels en France. En une dizaine d’années, il composera plus de 80 musiques pour chansons notamment pour la chanteuse Agnès Bihl et se produit et enregistre avec Nicolas Reggiani, petit fils de Serge. C’est peu de dire « qu’il connaît (toute) la chanson », de la plus populaire (Sevran, Lama) à la plus sophistiquée (Jeanne Chéral, Alexis HK). Ce n’est certes pas la première rencontre entre jazz et chanson, mais il semble là que le pianiste expose et explore les espaces libres du jazz pour donner à la musique ainsi qu’aux paroles (Lester Young disait toujours penser autant au texte qu’à la mélodie) une nouvelle dimension, totalement instrumentale. On pourra s’interroger sur le choix des morceaux (les plages 1, 5 et 15) mais pas sur la façon d’extraire (et de faire passer) l’émotion qu’il connaît sur le bout de doigts fort agiles et ainsi offrir une nouvelle vie à ces chansons (compenser l’absence de mots par de musique en plus de la musique).

Laissons la conclusion à Serge Lama : Monsieur Mirabassi secoue la branche, où les fruits sonores des notes sont accrochées, dans l’insoumise harmonie du feuillage.

On ne saurait mieux dire.


Deux disques en piano solo.

> Les titres :

Bruno Angelini / never alone :
1/ Immersion. 2/ Laura. 3/ Blue Monk. 4/ Where Flamingos fly. 5/ Seasons in the Sun. 6/ Summertime. 7/ Lover Man. 8/ Sometimes I feel like a motherless Child. 9/ When Sunny gets Blue. 10/ Love isn’t Everything. 11/ Left Alone.

> Piano solo enregistré en mars 2006 (Minium min 006 - Discograph)

Giovanni Mirabassi / cantopiano :

1/ Il venait d’avoir dix-huit ans. 2/ Manon. 3/ J’ai pas le temps d’avoir trente ans 4/ C’que t’es belle. 5/ La Canzone di Marinella. 6/ Quand Maman revient. 7/ Cécile. 8/ La fleur du large. 9/ Sans titre. 10/ Le chaland qui passe. 11/ Les passantes. 12/ J’aimerais tant savoir comment tu te réveilles. 13/ Si tu me payes un verre. 14/ Une île. 15/ Dis, quand reviendras-tu ?

> Piano solo enregistré en septembre 2005 (Minium min 007 - Discograph)