Le festival Jazz à Sète 2012 accueillait le quartet du saxophoniste.

Jazz à Sète était, cet été, le seul festival français à accueillir le "Magic Quartet" de Wayne Shorter. Michel Delorme ne pouvait pas manquer cela !

> Jazz à Sète - 17 Juillet 2012 - Wayne Shorter Magic Quartet

Jazz à Sète : vue sur scène et sur mer.
Jazz à Sète : vue sur scène et sur mer.
© Gil Bouvier

Sète est une ville admirable. Et l’accueil réservé aux journalistes qui viennent pour le festival de jazz est à la hauteur. Jamais de ma vie je n’avais été aussi bien reçu. Il faut dire que l’Office de Tourisme, en la personne de Marie-France, avait bien fait les choses : présentation des différents points clés de la ville, du marché couvert à l’allure familiale au panorama grandiose offert par le Belvédère du Mont St-Clair, en passant par le fameux cimetière marin où reposent Jean Vilar et Paul Valéry.
Et la promenade fluvio-maritime ne fut pas en reste, qui permet de voir la ville sous un autre angle. Une ville quasi insulaire, quasi céleste, où la culture semble jaillir de chaque centimètre carré. La culture ou LES cultures. Il y a des expositions partout, de tous ordres.
Et ne parlons même pas de la haute tradition gastronomique de Sète. Je peux vous assurer que la fameuse bourride est toujours aussi excellente. Et cet apéritif sur le bateau Le Transbordeur, avec huîtres Tabouriech et Picpoul de Pinet, c’en était presque "si je peux", pour parodier le Clud Med.
Et même si cette ville garde au cœur le souvenir de Georges Brassens, de Paul -Valéry et de Jean Vilar, Sète est une ville VIVANTE.

Comme j’étais venu à Sète pour un événement culturel de première grandeur, à savoir le concert du Magic Quartet de Wayne Shorter, je vais maintenant vous en toucher trois mots. Quand on aime on ne compte pas.

Danilo Perez (piano) et Wayne Shorter (saxophone) : Jazz à Sète.
Danilo Perez (piano) et Wayne Shorter (saxophone) : Jazz à Sète.
© Gil Bouvier

Au risque de me répéter, c’est déjà fait, j’affirme que Mr Wayne Shorter est le plus grand musicien de jazz vivant. Comme instrumentiste et comme compositeur. Les plus grands jazzmen ont toujours été les plus brillants compositeurs. Wayne Shorter fait partie des quelques génies qui ont jalonné l’histoire de cette musique si indispensable. Et ce n’est pas un hasard si son quartet a déjà douze ans d’existence. Bien plus que celui de John Coltrane ou que le quintet de Charlie Parker.
Or donc, Louis Martinez, patron de Jazz à Sète, a cassé sa tirelire. Voilà bien un homme qui privilégie la qualité artistique au détriment du mercantilisme ambiant. Chapeau.
Résultat des courses, c’est le seul festival en France où l’on put entendre Wayne Shorter, alors que le budget sètois n’est en rien comparable à celui des "gros machins". Personne d’autre n’a daigné "prendre le risque".
Quel risque ? Je reste pantois devant le succès des concerts de Wayne Shorter, la musique est difficile d’accès, pas de structures thématiques classiques mais une improvisation collective libre, les stridences du soprano ont de quoi irriter les oreilles chastes, l’homme n’est pas déguisé en extraterrestre... et les salles où il joue sont pleines.

John Pattitucci (à gauche) rencontre Louis Moutin
John Pattitucci (à gauche) rencontre Louis Moutin
© Gil Bouvier

Mais on lui préfère des artistes "à la mode", qui attirent les touristes.
Bien, et en quoi ce concert de Sète fut-il particulier, si tant est qu’il devait l’être ?

On l’a dit, ce fut le seul, mais cela n’explique pas tout. C’était, en fait, la première fois que le batteur maison Brian Blade cédait son tabouret, occupé par ailleurs avec son Fellowship Band. Et c’est Jorge Rossy qui eut la chance d’être choisi. Jorge que l’on connaissait depuis qu’il officiait chez Brad Mehldau. La tâche était délicate mais disons tout de suite que ce fut une réussite. Il joua son jeu, collant parfaitement aux improvisations, avec quelques ouragans de cymbales.
Mais surtout, c’était la première fois que l’on prenait conscience à ce point de l’omniprésence de Danilo Perez. Il fut l’homme et l’âme de ce concert. Relançant constamment la musique et se livrant avec John Pattitucci à des épisodes percussifs d’une grande intensité, on avait rarement entendu une telle vigueur chez Shorter. Sans parler de ce que Danilo joua en solo, loin de certains impressionnismes d’antan.

Jazz à Sète, laisser-passer piquant...
Jazz à Sète, laisser-passer piquant...
© Gil Bouvier

Comme à l’habitude, Wayne joua des bribes de thèmes de son répertoire, voire de thèmes de son prochain album, enfin annoncé. Il fut même plus prolixe à ce sujet que certaines fois. En fait, les thèmes deviennent des riffs et des riffs deviennent les thèmes. Il se livra également à quelques citations facétieuses dont il a le secret, comme Stars Wars ou une sonnerie militaire. Mais avant tout quel son, le plus beau qui se puisse rêver sur un saxophone ténor. Puis, passé la demi-heure, il embouche le soprano pour un paroxysme insoutenable, alors que Danilo frise le génie après une citation de musique de variété. Par moments, Joachim Kühn et lui sont très proches.

Après une courte pause, comme on dit à la télé, s’instaure un rythme chaloupé vaguement brésilien sur lequel Wayne et Danilo vont rivaliser dans le délire : accords de Berimbau de Baden Powell, en français Bidonville, citation de Ponta de areia de Milton Nascimento, que Wayne enregistra avec lui sur l’album mythique Native Dancer, The girl from Impanema, Mas que nada, Brazil ...
Au cours du premier rappel, c’est le traditionnel Joy rider qui mit le public en liesse. Pour le second, je n’ai pu identifier qu’une référence appuyée à un thème de Dizzy Gillespie et une seconde citation de Stars wars.

Une merveille de concert dans une merveille de lieu. Merci à toi Louis et merci aux attachées de presse Aurélie et Julie qui ont rendu mon travail plus facile et plus agréable.

Le mot de la fin : Maestro Danilo.


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