AUM Sweet AUM, à l’Ermitage, ça ne s’invente pas

Après la mise en bouche et en oreilles du public par le trio MeTal-O-PHoNe, Benjamin FLAMENT au vibraphone et bidouilles électroniques, Joachim FLORENT à la contrebasse et bidouilles et Élie DURIS à la batterie, AUM grand ensemble prend place. Il déborde de la scène de l’Ermitage au point que s’installent, au niveau des spectateurs, de gauche à droite, un piano Fender Rhodes, un vibraphone, un vibraphone, un piano Fender Rhodes occupés par Alexandre HERER, Romain LAY, Benjamin FLAMENT et Paul LAY.
Au centre de cette symétrie, il reste un peu d’espace pour le chargé de direction de cette grosse machine : Dylan CORLAY.
Tout au fond, là-bas, planqués au ras du mur, Julien LOUTELIER à la batterie, Youen CADIOU à la contrebasse, Richard COMTE à la guitare et Simon TAILLEU à la basse électrique.
Devant, un pupitre de souffleurs : Benjamin DOUSTEYSSIER aux sax alto et baryton, Antonin-Tri HOANG, clarinette basse, Julien PONTVIANNE sax ténor, clarinette siB et composition, Bastien BALLAZ au trombone, Louis LAURAIN à la trompette, Fidel FOURNEYRON au tuba
et toute menue devant son pupitre et son micro : Anne-Marie JEAN, diseuse et chanteuse.

AUM Grand Ensemble
© Lætitia Benichou / www.julien-pontvianne.com

Voilà. Un grand ensemble. Mais pas de la Courneuve.

Et un grand grand grand choc acoustico-sonico-esthético-magnifico. Le truc qui te colle les miches au siège que superglu ferait pas mieux. Ça arrache grave dés le début. Pas de round d’observation ( mon retour est pas top, tu me montes le son de la chanteuse ? Faut que je bouge mon bec, je suis un peu bas ; oulala, y’a la chanterelle qui couine… ). Direct à l’os sans s’occuper des fascias, muscles, tendons et autres tuyaux à sang et tout et tout. Droit sur l’étrier, entre le marteau et l’enclume. L’oreille fait deux tours sur elle-même, retrouve ses attaches velcro et alleZi les gars, poussez fort.

Devant nous le chef, de dos, immobile ( il fait dans la télépathie ?) laisse ses petits camarades s’engouffrer à donf dans quelque chose qui, un peu plus tard, n’apparaîtra plus comme une intro. On y est d’emblée. C’est fort, c’est dru, c’est tendu et ça va durer couasiment une heure.

Autant le dire, plus qu’un concert, une expérience. Qui amène à revisiter sa propre conscience du temps qui passe. Quand, au bout d’un moment, l’idée développée semble tirer à sa fin, on se dit : « bon, les gars et la fille, et après ? », eh ben après, ça continue. Encore et encore. Le temps s’étire et s’étire et non : il n’y a pas de préparation à base d’ergot de seigle en dégustation libre ; non, la ventilation ne ventile pas de substances à réalité augmentée ; non. Que du bio. Des mains, des doigts, des bouches, des poumons, de la vie.

La diseuse et chanteuse, d’un bout à l’autre de cette expérience, lit/dit/chante un texte en anglais et on s’en fout de ne rien comprendre, mes voisines et moi : on est juste trilingue français-belge-suisse.

L’imagination stimulée évoque des périodes de rêve/cauchemar, un mauvais trip avec un produit coupé à l’ajax ammoniaqué, un bout du Voyage de Pierre Henry revisité, la noria qui grince, au début de Il était une fois dans l’Ouest et cette attente qui n’en finit pas, Mister Natural de Crumb au milieu de la ville bruyantissime qui a poussé autour de lui pendant sa méditation et toujours ce temps qui s’étiiiiiiiiiirrrrrrrrreeeeeeee. Allez voir du côté de La Monte Young ? Charlemagne Palestine ? D’autres minimalistes répétitifs ?

Super concert avec ce magnifique Grand Ensemble d’une homogénéité irréprochable. Tous au service de cette musique sidérante. Merci Monsieur PONTVIANNE.


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