Vendredi 15 févier 2013 à "la Vapeur".

Un des musiciens les plus novateurs de la scène berlinoise, Gebhard ULLMANN continue de surprendre son auditoire. Depuis 1993, avec ses musiciens il a déjà effectué huit tournées en Europe.

En jazz, on le sait, il est difficile de vraiment laisser sa « patte », de transmettre son propre style, et d’ainsi renouveler de manière significative l’écriture de cette musique.
Certes, le jazz a souvent été le reflet d’une époque, il est né de révoltes, de mouvements sociaux ou de divers bouleversements.

Gebhard Ullmann "Basement Research" - Dijon, 15 février 2013
© Jacques Revon

Depuis la fin du 20ème siècle, le clarinettiste et saxophoniste Gebhard ULLMANN fondateur du groupe « Basement Research » veut laisser lui aussi à sa manière, une empreinte de son temps, comme d’autres d’ailleurs ont pu et su le faire avant lui, sur les scènes du jazz petites ou grandes.
Avec ses complices, il enfonce toujours petit à petit les clous de sa marque de fabrique.
Le 15 févier à Dijon et à la Vapeur il était l’invité de l’association MEDIAMUSIC pour D’JAZZ KABARET. Avec des musiciens complices, il continue de creuser son sillon et c’est la première fois qu’il se produisait dans la capitale de Bourgogne.

Steve Swell : trombone
Julian Argüelles : saxophones baryton et soprano
Gerald Cleaver : batterie, percussion
Pascal Niggenkemper : contrebasse
Gebhard Ullmann : saxophone ténor, clarinette basse.

Avec la venue d’un tel groupe en province, on pouvait s’attendre à être quelque peu bousculé dans nos repères musicaux, d’ailleurs les dix premières minutes du concert donnèrent le ton engagé du groupe.
Ce soir-là, je me disais que peut être, certaines personnes risqueraient de ne pas vivre totalement l’aventure. Il n’en fut rien, la curiosité et l’envie de connaître s’imposèrent et chacun demeura bien à sa place.

Gebhard Ullmann à Dijon le 15 février 2013.
© Jacques Revon
Gerald Cleaver avec "Basement Resarch" - Dijon, 15 février 2013
© Jacques Revon

Durant plus d’une heure et avec un rappel, les morceaux vont s’enchaîner, nourris de chorus de grande classe. Steve Swell, au trombone, impressionne. Toujours à la limite de la rupture physique, le musicien virtuose donne tout ce qu’il a au fond de lui, s’engage, s’exprime aussi avec beaucoup de délicatesse, manie la coulisse de son trombone comme un dieu. À le voir rougir, je me pose tout de même cette question : comment fait-il pour ne pas oublier de respirer ? Du grand art !

Dès le premier morceau, on assiste à ce que je qualifierai de : “causerie musicale engagée”. Les dialogues entre les 5 instrumentistes se succèdent, questions et réponses, des “oui”, des “non” , des étonnements sonores. Ici,la grande maîtrise de le technique instrumentale de chacun permet cette performance, mais c’est aussi l’osmose entre les musiciens qui concourt à ces dialogues improvisés.
C’est sans doute l’habitude de jouer ensemble depuis de longues années et l’envie de partager cette musique là qui produit les fruits d’un grandiose.
Crescendos, decrescendo, piano, pianissimo, forte... toutes les nuances y passent et tout le monde se retrouve à l’instant T, une performance de concentration.
Cette musique se veut parfois mystérieuse, festive, l’écriture exploite les tensions harmoniques et celle-ci nous emmène parfois dans l’underground.
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Très imagée, on se retrouve parfois comme dans un film où dans l’une des compositions de Gebhard Ullmann, “Krenzherg Park East”, dans un parc de BERLIN, en été, un dimanche après –midi avec les cloches qui sonnent...
S’enchaine un Gospel où les instruments prennent la place des chants et des chœurs, alors, il n’y a plus qu’à s’imaginer au sein du gospel....

Avant le concert, lors de notre rencontre au “catering” Gebhard Ullmann me confiait qu’à l’age de 6 ans, il improvisait déjà avec sa flûte à bec dans sa chambre et sa mère lui disait : "mais qu’est ce que tu fais ?".
Les années ont passé, le berlinois a réalisé huit tournées en Europe, des concerts à New-York, à Ottawa... et à chaque fois ce sont deux à trois semaines d’aventures vécues avec ses musiciens.

Enfin, Gebhard Ullmann est un compositeur généreux. Sur son site internet, très bien présenté, il a mis gratuitement en ligne des partitions, car dit-il : “je préfère que ceux qui ont envie de jouer mes compositions puissent le faire avec l’original et non pas de manière transformée par un décryptage et des relevés hasardeux”.
Il est vrai qu’à l’écoute, l’écriture rythmique et harmonique du berlinois n’apparaît pas des plus simples à interpréter. En revanche quel moment vécu pour celles et ceux qui ont, ce soir-là, bravé le froid et la route gelée ! Ils ont découvert un ensemble qui les marquera sans doute pour longtemps.


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  • LEO RECORDS panorama #3 où il est question de Gebhard Ullmann dans un autre contexte (par Jean Buzelin - juillet 2012)

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