La belgitude des choses de la vie vivante

Au Studio de l’Ermitage qui, comme son nom ne l’indique pas, est un lieu d’érémitisme collectif, s’arrête ce soir un étrange OVNI : Orchestre Vibrant Nullement Indigeste : Flat Earth Society.

Il ne faut pas manquer d’air pour s’appeler Société de la Terre Plate à une époque où coexistent la pensée occidentale préoccupée du big bang, un mythe de l’origine et du il y avait quoi avant ? avec la pensée orientale centrée autour de la notion de procès ( lire process ) s’établissant depuis un temps sans commencement jusqu’à un temps infini.

Et là, entre les deux cosmogonies, une Terre plate ? Un truc à deux dimensions, du long et du large ?

Eh oui, Madame Lucette, c’est des belges, qu’est-ce que vous voulez que je vous dise de plus ?

Autour du leader maximo Peter VERMEERSCH aux clarinettes et voix, sont groupés :
Berlinde DEMAN au tuba ( la seule créature !! ), Stefaan BLANCKE et Marc MEEUWISSEN au trombone, Luc VAN LIESHOUT et Bart MARIS à la trompette ( chacun la sienne... ), Benjamin BOUTREUR , Michel MAST et Bruno VANSINA aux sax ténor, alto et baryton, flûte, Tom WOUTERS au vibraphone et clarinettes, Kristof ROSEEUW à la contrebasse, Peter VANDENBERGHE aux claviers, Pierre VERVLOESEM à la guitare, Wim WILLAERT à l’accordéon, au triangle, au clavier et à l’expression corporelle !!! ; devant tout ce monde-là, au bord de la platitude de la scène et du précipice abyssal qui la borde, trônant derrière ses fûts et cymbales : Teun VERBRUGGEN à la batterie.

Si le cousinage avec le Surnatural Orchestra, puissance invitante, ne souffre aucun doute, si le côté fanfare ronflante et pétaradante saute d’un bond aux oreilles, l’ombre tutélaire du Willem Breuker Kollektief flotte dans les cintres : engagement, jubilation, énergie collective, créativité permanente.

Arrgghhh !!! Trop bon !!! Remets-moi une Chimay bleue, garçon !!!

Et en route pour un somptueux voyage aux multiples surprises et références : une écriture en cut up à la Burroughs, de courtes histoires dignes de Brautigan ( cf la plus petite tempête de neige jamais recensée...), des ruptures de rythme, d’atmosphère, de style ; la BO d’un film muet qu’on revoit sans aucun écran, la play-liste d’une BD, des mélanges insolites ( une valse au son aigrelet de l’accordéon juste après un gros envol groovy fortissimo des souffleurs du dernier rang, etc …. ) : une chatte n’y retrouverait pas ses chiots.

Il y a de la truculence dans cette musique, les gros gras dodus bons vivants du Combat du Carnaval et du Carême de Brueghel l’Ancien, le fabuleux repas de Mardi Gras organisé par Gargamelle, enceinte de Gargantua, qui avait fait abattre des centaines de milliers de bœufs pour nourrir ses amis.

On est en pleine fureur de vivre revisitée, on fait ripaille : des ventres ronds à peine contenus par des pantalons béants, on s’en fout du cholestérol, repasse la terrine Micheline, vive la guindaille !!

L’instant et le lâcher prise appliqués à la fête, comme l’enseignement bien compris de quelque gourou de secours.

Cet orchestre ne fait ni dans le chichiteux ni dans le précieux, il transpire la liesse, le peuple en fête ; il donne à entendre une musique joyeuse, enlevée, qui suscite le tressautement des pieds, les balancements de tête, le rire qui aide à relâcher le ventre et à se boyauter, « ça pète le feu, madame Lucette, n’oubliez pas vos gants en amiante ».

Un esprit grincheux ferait remarquer que tout ça, c’est vulgaire et compagnie.Et bien non. Les trois ou quatre pièces au tempo lent sonnent paisibles, tendres et profondes. Comme un retour sur et en soi.

Et le rappel glissera de la fanfare qui crache ses poumons à l’ostinato têtu de la clarinette basse, délicatement ourlé par le chant de la clarinette siB sur le fond intimiste du duo de saxophones.

Vulgaire, la musique populaire ? Tu sais ce qu’il te dit le peuple ?


> À écouter :

FLAT EARTH SOCIETY : "13"
Igloo Records / SocaDisc
FLAT EARTH SOCIETY : "13"

Ce 13ème album de Flat Earth Society, grande formation belge de 15 musiciens est "un périple musical qui affronte des paysages variés et des conditions climatiques changeantes" comme ils disent....

Retrouvez ce disque dans l’abondante Pile de Disques d’avril 2013.

Igloo Records IGL 239 / SocaDisc

Stefaan Blancke : trombone / Berlinde Deman : tuba, voix / Bruno Vansina : saxophone baryton, flûte à bec / Bart Maris : trompette / Michel Mast : saxophone ténor / Marc Meeuwissen : trombone / Kristof Roseeuw : contrebasse / Luc Van Lieshout : trompette / Benjamin Boutreur : saxophone alto / Peter Vandenberghe : piano et clavier / Teun Verbruggen : batterie / Peter Vermeersch : clarinette basse et voix, compositions sauf 6 et 8 / Pierre Vervloesem : guitare / Wim Willaert : accordéon et clavier / Tom Wouters : clarinette basse et vibraphone /+/ John Watts : chant sur 3 et 11

01. Experiments In The Revival Of Organisms / 02. Sneak Attack Of The Sponges / 03. Patsy / 04. Fast Forward / 05. Six Pine Trees / 06. Stoptime Rag (Scott Joplin) / 07.Raincheck / 08. Intersections (T. Dissevelt) / 09. Goat’s Wool Without Abbas / 10.Betwixt & Between / 11. Unconditional Lucifer / 12. Meet Luke Devereaux / 13. Domination Of Black

> Liens :

Et une présentation vidéo du disque !