Deux soirs en novembre dans la cadre du festival Bleu Triton...

  Médéric COLLIGNON et Yvan ROBILLARD : "Microrchestra"

EXCEPTIONNEL !!!

Y’en a qui sont restés à la maison : y’avait match !! Tant pis pour eux.
Souffrir de la crise et jouir de regarder des mecs surpayés taper dans un ballon : oui Madame Lucette, c’est pas chouette, vous me l’ôtez de la bouche.
Là-bas, à l’Est, loin loin loin, les yakoutes, les bouriates, les ouïgours perpétuent une tradition de chamanisme. Plantes enthéogènes, tremblements, vol magique, tambour, …..

Médéric Collignon.
© Florence Ducommun / 22 sept. 2013, le Triton.
© Florence Ducommun

Nous, ici, au milieu de la jungle urbaine, nous en tenons deux, cinq soirs de suite, deux chamans qui usent du son sans l’user. La voie directe entre la terre et le ciel grâce à leurs manigances.
Yvan ROBILLARD, un clavier au bout du piano acoustique, un autre clavier, électrique celui-là, posé dessus et une espèce de boîte couverte de boutons (non, pas la rougeole, l’acné non plus), des potentiomètres, des variateurs de volume, des décodeurs de bonnes idées, des recodeurs de bribes, des transcodeurs parfumés…
Médéric COLLIGNON, quatre micros, un ordi, un clavier, un bugle, une paire de baguettes, sa voix, son corps et ses pieds nus.
Et de la fumée bleutée. Les Hauts des Hurlevent ? Quai des Brumes ? Ces deux gueules d’anges s’y connaissent pour créer le contexte qui va bien.

Leur entrée dans le noir et le premier morceau font revenir de vieux souvenirs : les eighties et le Roy Hart Theater, le travail de la voix, le son, rien que le son. Sur fond d’une nappe de violons, il nous fabriquent un mille-feuilles sonore et sonique. Ils font dans l’acoustico-électrique. Un voyage au cœur de tant de références, en séquences si rapides qu’on a à peine le temps de s’installer hop hop !!! la séquence, la bribe, le riff, l’idée pas épuisée dans son développement et déjà la suivante s’invite : un tourbillon. L’un pousse l’autre, l’autre réplique, ils s’associent, se dissocient, se réconcilient.
C’est EXCEPTIONNEL. Envoûtant. Chamanique.
Enfin, enfin !!! Collignon donne libre cours à sa voix sans se préoccuper de son bugle. Sa voix illimitée, soutenue par Robillard avec une gentillesse incomparable. Pas de frime, pas de grimaces, du son.
Comme le dit Collignon, il s’agit de sonner plus large que les enfermements usuels, de pousser les limites, les cadres, bref, de jouer encore plus libres.
La seconde pièce commence par une projection de photos, Collignon au bugle au-dessus de la table du piano. Bugle, piano percussion, résonances. Et puis Robillard, seul avec ses deux claviers et son meuble à boutons : l’image de Terry RILEY en concert à Paris en mai 1972 pour enregistrer Persian Surgery Dervishes ( oui on le trouve sur Youtube !!, ) flotte là devant nos yeux. Magnifique. Et la situation s’aggrave : Collignon revient dans le jeu et, vraiment, Lucette, leur vitesse est déraisonnable. Ils vont y laisser la peau. Pourvu que personne ne brûle stop quand ils vont arriver au carrefour !!! avant de revenir à une allure bluesy, un truc qui te fait rouler les hanches et marcher peinard, voilà, pas plus vite que ça. Respire, pépère.

Il convient de remarquer qu’il se passe des choses mystérieuses ici. Entre la voix, les micros, le clavier, l’ordi et les haut-parleurs, le traitement du son nous illusionne. Tu crois qu’il chante acoustique ? Mais, comment il fait, c’est pas sa voix c’est le clavier ? Si ? Non ? Quoi ? Olala, on n’y comprend plus rien.
Fermer les yeux, laisser aller, la beauté ne s’explique pas.

Un rappel et ils nous offrent une chanson sans thème. Soli croisés, piano, bugle, voix. On y passerait la nuit.
Sortir de la yourte, regarder les étoiles, là, au bout du bras, dans la main.
Revenir demain.

Du 26 au 30 novembre 2013 - Le Triton - 11 bis, rue du Coq Français - 93260 Les Lilas
Médéric Collignon : bugle, voix, électronique / Yvan Robillard : piano, claviers


  THE RICH TAILORS : "Parallels"

Trois plus trois égale cinq

On verrait un vaste entonnoir dont l’ouverture la plus large sert d’espace de jeu à ces cinq musiciens, à savoir : Vincent COURTOIS au violoncelle, Robin FINCKER aux sax ténor et clarinette, Daniel ERDMANN au sax ténor, Alcyona MICK au piano et Paul CLARVIS à la batterie.

Vincent Courtois - novembre 2012

On imaginerait qu’ils galopent chacun dans leur coin (« c’est difficile de trouver un coin sur une surface courbe », aurait dit Riemann lui-même) tout en restant ensemble. En fabriquant un quelque chose sonore qui, entre intervalles inusités, variété des propositions, mode clitoridien, flirt avec le cri de la craie sur le tableau, un quelque chose en forme de chaos musical qui énerve, questionne, nettoie les oreilles et oblige à une attention flottante, détachée et affûtée.

Alors, cadeau, ils dévalent l’entonnoir comme un toboggan, cul par-dessus tête et un magnifique duo Fincker-Courtois suivi d’un duo non moins magnifique Fincker-Erdmann recentrent ce quintet déjanté pour un grand moment de folie délicieuse.
Suit une pièce de Courtois, « 1852 mètres plus tard » introduite par le même duo ténor-cello. Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’ils ont oublié que les accords majeurs existent. Ces lascars ont planté la charrue dans une autre terre et appuient sur le coutre sans mollir. Leur seul souci permanent : jouer de la musique ensemble.
Fincker nous explique la genèse de ce quintet : la réunion des trios Blink et Mediums. Et d’ajouter : « dans mes groupes, il n’y a pas de leader ». Mon voisin, obsédé textuel, relève illico presto la contradiction interne à son propos.

Robin Fincker, Vincent Courtois & Daniel Erdmann : "Mediums" Nevers - nov 2012


Un dernier morceau pour clore le premier set, « Two thumbs » et encore une fois, cette structure en entonnoir où, après le chaos surviennent de courtes phrases, gimmick et autres idées musicales qui rassemblent tout le monde avec un effet ultra puissant. Du désordre à l’ordre, du divergent au convergent ou de l’art de nous embrouiller l’oreille avant de la saisir et de la retenir.
Est-ce l’effet retard de la première partie ? Les pièces sont-elles construites différemment ? Un quelque chose a-t-il été vaporisé dans la salle ?
Ils reprennent avec la même énergie, la même générosité et la même solidarité trois pièces où personne ne joue plus en haut de l’entonnoir. L’intensité croît encore et la beauté s’en mêle : on croirait voir s’assembler les milliers de pièces du puzzle d’un chiliogone. Courtois use de son violoncelle comme d’une guitare basse ( pas de de leader ? Mon oeil !! ), installe une pulse de titan de et pousse le batteur-qui-rit-tout-le-temps et les autres aussi. Ça déménage, ça remménage, personne ne se ménage !!
Erdmann nous narrera le pourquoi du comment de l’écriture de Spy Story (la Biélorussie, le KGB et Alcyona en blonde espionne ) avant leur retour le temps d’un rappel avec « Hockneedle ».
« Décoiffant » murmure mon voisin, chauve comme un genou.

The Rich Tailors - samedi 30 novembre à 21h00 - Le Triton - 11 bis, rue du Coq Français ; 93260 Les Lilas
Vincent Courtois : violoncelle / Robin Fincker : saxophone, clarinette / Daniel Erdmann : saxophone ténor / Alcyona Mick : piano / Paul Clarvis : batterie


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