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  David AKE : "Lake Effect"

David AKE : "Lake Effect"
Posi-Tone

Le label californien Posi-Tone se positionne généralement en gardien du temple du jazz venu du bop plus ou moins hard, souvent funky et musclé ! Pour autant, le producteur Marc Free, Nick O’Toole, l’ingénieur du son, et l’équipe du label n’ont rien de fondamentalistes et nous offrent de temps en temps des occasions d’écouter des musiques plus vagabondes, aérées, voire aériennes.
C’est le cas avec ce beau disque du pianiste David Ake, musicien d’expérience et musicologue (il enseigne à la Case Western Reserve University de Cleveland) dont la connaissance du jazz éclaire des choix artistiques qui recherchent l’épure. Dans cet album où plane l’ombre de Charlie Haden (on pense parfois aux collaborations Jarrett-Haden, jadis), une attention particulière est portée à la finesse des énoncés des mélodies, aux alliages de timbres (la proximité du saxophone et du piano qui cheminent souvent très près l’un de l’autre) et à la sobriété du discours des solistes.
Impeccablement servi par une rythmique très solide et inspirée (Sam Minaie - Mark Ferber), David Ake et son complice Peter Epstein savent mettre en valeur les qualités des compositions du leader mais aussi jouer habilement avec le Bye-Ya de Thelonious Monk ou nous émouvoir avec une des perles musicales d’Egberto Gismonti : Palhaço.
Si la pochette peut évoquer un univers glacé, la musique de David Ake est, au contraire, lumineuse, vivante et libre, dans la lignée de celles de Ralph Alessi ou Ravi Coltrane avec lesquels il a collaboré. Un beau travail de musiciens sereins et très inspirés.

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  Harry ALLEN – Jan LUNDGREN Quartet : "Quietly There"

Harry ALLEN – Jan LUNDGREN Quartet : "Quietly There"
Stunt

Il nous arrive d’avoir besoin de swing. D’un certain swing. Pas un truc de furieux qui balance deux mille notes à la minute, non, juste un truc mid tempo avec un groove souple et profond. Quelques potes qui prennent du bon temps dans un studio. Un bon vieux Duke Jordan dans ses années danoises, un Dexter Gordon aux petits oignons, un Ben Webster charnu et pulpeux comme un éclat des fifties, avec de la fumée de Camel en volutes. Pour un peu, on irait jusqu’à réclamer du noir et blanc, mélancolique à souhait. Et des standards, n’est-ce pas ? Des standards gaulés comme la fille de l’entresol, celle qui attend Mike Hammer depuis deux plombes et qui s’ennuie à force de s’ennuyer. Du Johnny Mandel par exemple. Mais on a plus vraiment ça en stock de nos jours. Alors quand le suédois Jan Lundgren et sa rythmique (Hans Backenroth : contrebasse / Kristian Leth : batterie) invite Harry Allen (saxophone ténor) pour jouer les compositions du type amerloque précité ci-dessus, on laisse traîner une oreille. Et on fait bien. Vous devriez essayer d’ailleurs. Ça glisse tout seul. Ça vous caresse. C’est finement ciselé. Ça vous découpe le temps en lamelles aussi fines que de la noix de jambon. Bourbon ou Martini ? Une pause quoi. Une de celle où on regarde flotter les olives… D’accord, c’est pas révolutionnaire. Mais c’est pas politiquement correct non plus. Trop de nicotine, trop de moiteur… De toute façon, on n’est pas là pour vous convaincre, on l’écoute avec un plaisir non feint. Et on ne se pose pas de question. Non. We’re just «  quietly there. » Et on bougera plus. No way. D’ailleurs, même plus on pense.

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  Yonathan AVISHAI : "Modern Times"

Yonathan AVISHAI : "Modern Times"
Jazz & People

Allez camarade ! Allons faire un tour vers l’inconnu de longue date. Ça fait si longtemps qu’on le côtoie. Et c’est comme si c’était hier. On le reconnait entre tous. C’est le Duke, c’est le Frederik Russel Jones du Pershing, C’est le pape du Third stream dans ses recherches solitaires et d’autres encore comme le Monty de la grande époque. Bref, on a beau chercher à accrocher à ce qu’on écoute un nom, on n’y arrive pas. On est dans la peine quoi. Parce que la musique du pianiste Yonathan Avishai est aussi connue qu’originale. La contrebasse de Yoni Zelnik et la batterie de Donald Kontomanou s’en tiennent à l’évident, c’est-à-dire le surprenant, l’efficace et le swinguant, bourrés de remémorations si bellement digérées qu’elles sont brillantes comme un sou neuf. Argh ! Et le pianiste, lui, fait sienne sa personnalité après une infusion de longue haleine chez les plus excitants de ses ancêtres. C’est rugueusement félin à souhait. Ça se balade comme un gros matou joyeux dans les hautes herbes du verger prêt à bouffer du passereau en pagaille. C’est marching band déjanté fin de soirée. C’est jouissif à force de ne pas répondre aux questions que cela fait semblant de poser. Et puis c’est cool. Pas jazz cool. Juste cool, gorgé d’une vie chaleureuse qui sait goûter le meilleur et qui s’apaise au creux d’une ritournelle presque classique, légèrement bousculée dans ses codes par le désir d’improvisation. Simplement, clairement, étonnamment dense et léger, ce disque est un classique incontournable qui rend joyeux, consommable à toute heure sans modération, sans effets secondaires notoires hormis une propension marquée à la gaîté. Le passé a de beaux jours devant lui, une autre façon d’être intemporel, non ?

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  John SURMAN – BERGEN BIG BAND : "Another Sky"

John SURMAN – BERGEN BIG BAND : "Another Sky"
Grappa

John Surman est né le 30 août 1944. Il ne vous échappera donc pas qu’il est entré dans sa septième décennie en 2014 : un anniversaire marqué par la publication de ce disque en Norvège... mais l’objet est disponible seulement maintenant en France.
Le saxophoniste britannique, devenu presque norvégien par "alliance" (la vocaliste Karin Krog en est la cause !) a été bien adopté dans ce pays comme le prouve cette très belle collaboration avec le brillant big-band de Bergen.
Nous aimons par-dessus tout ce musicien quand il est en compagnie même si les nombreux disques qu’il a réalisés en solitaire, multipliant ses voix par la magie du studio et des claviers à synthèse de sons n’étaient pas dénués d’intérêt. Il va sans dire que ce disque en grande formation a retenu d’emblée notre attention, ravivant les souvenirs du passé de ce musicien toujours à l’aise dans les "grands formats", en Grande-Bretagne mais aussi avec l’orchestre de Gil Evans par exemple.
La réussite d’un tel disque nécessite la concordance de plusieurs éléments : des compositions à la hauteur du projet (de ce côté là, pas de faute de goût), des arrangements qui mettent en valeur les couleurs de l’orchestre (un vieil ami comme l’arrangeur canadien John Warren est alors irremplaçable) et des solistes pour donner le change à un leader qui aime partager la musique comme on partage un bon repas.
L’ensemble de ce disque est un régal. Une cuisine de maître qui ne bouscule pas la tradition car les sections restent en place, s’assemblent, se complètent, s’opposent, se juxtaposent, se superposent pour donner corps à une musique qui s’envole très haut. À ce titre, Carpet Ride nous semble être un des sommets du disque avec son introduction toute en finesse avant le décollage progressif vers les hautes sphères où virevolte le saxophone soprano de John Surman. Quelques turbulances agitent le vol avant que la guitare de Ole Thomsen ne prenne les commandes sur une base rythmique solide.
Pour rendre hommage à Thelonious Monk, Surman reprend le saxophone baryton qui lui sied si bien pour faire chanter l’orchestre sur un superbe Ruby, My Dear qui s’épanouit comme un bouquet de fleurs aux teintes et aux senteurs délicates. Classique, sans doute, trop peut-être pour ceux qui ont gardé un souvenir du saxophoniste beaucoup plus enflammé mais avouons quand même que le jazz, comme ça, "ça a de la gueule" !

Vous l’aurez compris, nous ne saurions trop vous inciter à écouter ce disque avec attention et sans idées préconçues. Sans doute serez-vous sous le charme comme nous le sommes...

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David AKE : "Lake Effect"

> PosiTone Records PR8136 / à commander sur www.posi-tone.com

David Ake : piano / Peter Epstein : saxophones alto et soprano / Sam Minaie : contrebasse / Mark Ferber : batterie

01. Lone Pine (for Charlie Haden) (D. Ake) / 02. The Cubs (D. Ake) / 03. Tricycle (D. Ake) / 04. Two Stones (D. Ake) / 05. Hills (D. Ake) / 06. Bye-Ya (T. Monk) / 07. Silver Thaw (D. Ake) / 08. Palhaço (E. Gismonti) / 09. Returning (D. Ake) / 10. Lake Effect (D. Ake)// Enregistré en octobre 2014 à Brooklyn / New York (USA).

[ Retrouvez ce disque dans la "Pile de disques" de mars 2015 ]

Harry ALLEN – Jan LUNDGREN Quartet : "Quietly There"
> Stunt STUCD 14142 / UnaVoltaMusic – UVM distribution

Harry Hallen : saxophone ténor / Jan Lundgren : piano / Hans Backenroth : contrebasse / Kristian Leth : batterie

01. Sure As You Are Born / 02. Emily / 03. The Shining Sea / 04. Quietly There / 05. A Time For Love / 06. Cinnamon And Clove / 07. The Shadow Of Your Smile / 08. Just A Child / 09. Suicide Is Painless (Compositions de Johnny Mendel) // Enregistré à Copenhague (Danemark) les 11 et 12 juillet 2014.

Yonathan AVISHAI : "Modern Times"
> Jazz & people JPCD815001 / Harmonia Mundi

Yonathan Avishai : piano, compositions sauf 4 et 14 / Yoni Zelnik : contrebasse / Donald Kontomanou : batterie

01. Woodblock / 02. Water (prologue) / 03. Time (4/4 meditation) / 04. I Got It Bad (and that ain’t good) / 05. Dancing Child / 06. Etude I (bass) / 07. Night in Zvulun / 08. Sketch of Barcelona / 09. Time (in B Flat) / 10. Modern Times Blues / 11. Etude I (trio) / 12. The letter / 13. Later That Day / 14. Cornet Chop Suey / 15. Woodblock II / 16. Water (epilogue) // Enregistré en France en 2014.

[ Retrouvez ce disque dans la "Pile de disques" de mars 2015 ]

John SURMAN – BERGEN BIG BAND : "Another Sky"
> Grappa GRCD4459 / Outhere distribution (parution le 24/03/2015)

John Surman : saxophones soprano et baryton, compositions sauf 6, direction / Bergen Big Band : Jan Kåre Hystad, Olav Dale, Zoltan Vinzce, Ole Jakob Hystad, Nils Jansen, Vidar Johansen : anches, flûtes / Martin Winter, Are Ovesen, Svein Henrik Giske, Tancred Heyerdal Husø : trompettes / Øyvind Hage, Sindre Dalhaug, Pål Roseth, Kjell Erik Husom : trombones / Dag Arnesen : piano / Ole Thomsen : guitare / Magne Thormodsæter : contrebasse / Frank Jacobsen : batterie / Ivar Kolve : vibraphone / Stein Inge Brækhus : percussion

01. Another Sky / 02. South-Western Approaches / 03. Spending My Time / 04. Carpet Ride / 05. Green Wood / 06. Ruby My Dear (T. Monk) / 07 Scare ’em Up // Enregistré à Bergen (Norvège) du 21 au 23 octobre 2013.

[ Retrouvez ce disque dans la "Pile de disques" de mars 2015 ]