La parenthèse jazz, accent circonflexe musical au sein du festival de théâtre.

Une petite tête sympathique prend doucement mais sûrement sa place pour le troisième été en bas des Escaliers Sainte Anne, juste devant le Théâtre des Doms, à l’arrière du Palais des Papes pour ceux qui connaissent. Une affiche simple et rigolote qui marque les esprits, d’autant plus que le pari de loger cette manifestation au sein de la foultitude de pièces de théâtre proposées était osé. Pari gagné, car le public curieux de tous horizons qui se presse dans la vieille ville n’a pas boudé la fraîcheur de la salle et a souvent fait halte pour écouter les musiciens proposés par intérêt connaisseur ou curiosité très saine.

Pour ma part, très occupée par d’autres festivals, j’ai pu malgré tout glisser dans mon agenda plusieurs concerts et non des moindres, dont je vous entretiens ici :

  OZMA « 1914-1918, d’autres regards »

Ozma
© Florence Ducommun 2015

Un projet original de photo-concert avec Tam de Villiers à la guitare, Édouard Séro-Guillaume à la basse et Stéphane Scharlé à la batterie, initiateur du groupe existant depuis 2001, hébergé par la compagnie Tangram et qui, en près de 15 ans, s’est largement produit en Europe mais également en Inde et en Afrique. J’aurai l’occasion de m’étendre plus amplement sur OZMA avec lequel j’ai eu le plaisir de m’entretenir au cours du festival ( voir plus tard dans les Entretiens ). Sa dernière création « 1914-1918, d’Autres Regards » retrace par chapitres la Première Guerre Mondiale à travers 400 images d’archives, montées par le réalisateur Jean-François Pey. Autant dire le recueillement de la salle dans la pénombre... Chacun, jeune ou moins jeune fait encore partie de cette génération qui a entendu parler de cette terrible guerre ayant laissé des traces dans chaque famille, spécialement célébrée l’an dernier à travers son centenaire. Ces jeunes gens qui jouent gravement s’identifient certainement à ces images dramatiques présentées en dix tableaux ( Portraits, Au pas, Dans l’air, Combats, Propagande, Paysages, Tranchées, Le front arrière, Scènes de vie et le dernier en 3D, Anaglyphes). Le parti pris de découper ainsi le concert peut se discuter, mais a permis d’exprimer musicalement différentes ambiances, tout comme le fait de chausser les lunettes 3D a fait réaliser de quelle pâte bien réelle les musiciens s’étaient emparés. Du terrible a surgi la poésie, de l’horrible se sont envolées des notes et des riffs désespérés en hommage à ceux qui ont donné leurs vies. Compositions plutôt rock et improvisations jusqu’au dernier moment, les musiciens fixent les images qui défilent et les inspirent, tous trois bien accordés, mais il est parfois difficile de s’imprégner à la fois des images et d’écouter réellement cette musique, ou alors aurait-il fallu écouter ce concert plusieurs fois. C’est ce qu’ont dû faire certains, puisque ce spectacle(?) a été proposé du 7 au 14 juillet. OZMA s’impose en tout cas comme un groupe à géométrie variable, extrémement intéressant et excitant et leur site très bien conçu le prouve : www.ozma.fr

  AMBREOZCHRISTOPHEJODET

Christophe Jodet & Ambre Oz
© Florence Ducommun 2015

C’est ainsi tout attaché, que s’écrit le nom de ce duo existant depuis 2013 qui s’est emparé de l’univers de Purcell, avec Ambre Oz au chant et Christophe Jodet à la contrebasse et basse. Produit par la Compagnie l’Amour du Loup, ce spectacle très épuré a posé une fois de plus la question sur la définition du mot jazz... Purcell est un inspirateur intemporel et c’est la façon dont il a eu recours à l’improvisation et à la basse obstinée qui a inspiré tant de musiciens contemporains tant dans l’univers rock que jazz. Le profil atypique de Christophe Jodet ne pouvait qu’être intéressé par la proposition d’Ambre Oz. Cette dernière est en effet une tête chercheuse dans le domaine de la psychologie et du merveilleux, de la danse et du chant et leur association donne du corps à ce projet. La voix d’Ambre Oz est posée et très agréable, pas du tout dans le registre baroque et on ressent son talent de conteuse. L’émotion est palpable quant elle interprête par exemple " Ô Solitude" ou le fameux air de la Mort de Didon dans "Didon et Enée". Tout le talent de Christophe Jodet s’est déployé avec quelques difficultés techniques vite résolues, entre sa contrebasse et la basse électrique et les effets de boucles pas toujours évidents. Bref, un moment sensible et créatif de haut vol, qui s’est produit du 7 au 12 juillet.

> À visiter : lamourduloup.net/ambreozchristophejodet

  JOURNAL INTIME JOUE JIMI HENDRIX + LE BAL DES FAUX FRÈRES

Le Bal des Faux-Frères
© Florence Ducommun 2015

Voir et revoir Journal Intime, ce trio débordant d’énergie, connu il y a trois ans à la Tour d’Aigues : si ce n’est de l’amour, c’est de la rage ! Je ne m’en lasse pas... et concert après concert, c’est un rappel vivifiant, d’autant plus que le projet "Lips on fire" initial, ( pour rappel avec Frédéric Gastard au saxophone basse, Mathias Mahler au trombone et Sylvain Bardiau à la trompette) évolue puisqu’un Lips on Fire 2 devrait voir le jour avec Guillaume Magne à la guitare et au chant, invité surprise du concert à Têtes de Jazz et le batteur Emiliano Turi. C’est en tout cas le même enchantement à l’écoute de cet hommage cuivré à Jimi Hendrix. Le trio s’est démené par la canicule à arpenter les rues bondées d’Avignon et c’est un Frédéric Gastard presqu’ aphone qui ouvre ensuite le Bal des Faux Frères avec Fabien Kisoka au saxophone ténor, Fabrice Lerigab à la caisse claire et Laurent Di Carlo à la grosse caisse. Tout ce beau monde fêtait la sortie du CD éponyme plus que joyeux et le but était de faire danser le public, ce qui fut fait surtout le second soir parait-il. Car la canicule avait laissé des traces et anéanti les énergies malgré la climatisation... Un groove d’enfer, des reprises entraînantes, c’est rock, funk, déjanté en diable ! Yes, " I wanna be your dog " !

> Voir : www.triojournalintime.com

  DOMINIQUE PIFARÉLY QUARTET

Dominique Pifarély Quartet
© Florence Ducommun 2015

Ce quartet récent datant de 18 mois environ, a joué deux soirs à Têtes de Jazz, devant un public important et médusé. Avec le violoniste de renom, un compagnon de très longue date ( presque 30 ans), Bruno Chevillon à la contrebasse, le batteur François Merville et le pianiste Antonin Rayon plus récemment intégré, tous trois personnalités importantes du jazz européen. Musique exigeante et difficile à appréhender pour le commun des mortels, il faut s’abandonner à son écoute et se laisser porter par sa poésie, ne pas chercher à la rapprocher de telle ou telle référence. Il faut s’affranchir des lois et sortir de l’enfermement du tempo. Si on cherche à étiqueter la musique de Pifarély, on est dérouté et tant mieux ! Vive les chemins de traverse, la nouveauté et si certains disent que c’est très écrit : faux ! L’improvisation est reine dans ce quartet sur une trame plus ou moins écrite, à la différence de Dédales (grand ensemble de D. Pifarély. NDLR). Je fais partie de ceux qui ont un certain mal à l’écouter, mais ma curiosité est supérieure et les surprises dans les détours et les tournants sont souvent nombreuses et magnifiques. Ambiance de film noir dans "Tout a déjà commencé", plages angoissantes alternant avec d’autres plus lumineuses, c’est une terre de contrastes avec beaucoup d’images mentales où le désert fait suite aux oasis, c’est tout du moins mon approche, qui illustre à merveille la petite phrase de Max Jacob "L’art éveille le doute". Ou encore entendu plus récemment : "L’art nous désarme et nous déverrouille". Un entretien avec Dominique Pifarély verra le jour prochainement. Et un enregistrement à la Buissonne devrait se faire d’ici la fin d’année.

> Pour aller plus loin : www.pifarely.net

  JEFF HERR CORPORATION

Jeff Herr & Laurent Payfert
© Florence Ducommun 2015

Le jeune trio surdoué crée en 2003 par le batteur Jeff Herr, avec Maxime Bender aux saxophones ténor et soprano et Laurent Payfert à la contrebasse, franco-luxembourgeois pour les deux premiers et originaire de Metz pour le troisième, a joué deux fins d’après-midi de suite son nouvel et troisième album sorti en novembre 2014 "Layer Cake". Le saxophoniste pour sa part, présentait son duo en début d’après-midi avec le pianiste Jérôme Klein , dont le disque "Path of decision" vient de sortir récemment également (chroniques de ces deux disques écites par Thierry Giard, ici !).

Laurent Payfert & Maxime Bender
© Florence Ducommun 2015

Pour Jeff Herr, j’ai eu l’occasion d’apprécier toutes les subtilités de cet excellent trio qui était une découverte pour ma part. Un très bon groove, d’excellents solos comme sur "Layer Cake", des compositions originales en dehors de la reprise de David Bowie "The man who sold the world" ( qui a valu à un heureux auditeur de gagner le CD en reconnaissant le compositeur !), de l’inventivité à revendre pour le saxophoniste et une solide assise du contrebassiste : bref un moment de plaisir sans prise de tête ( de Jazz !).

> Voir jeff-herr.com/jeff-herr-corporation

Ozma ©© Florence Ducommun 2015
Tam de Villiers ©© Florence Ducommun 2015
Stéphane Scharle ©© Florence Ducommun 2015
Ozma ©© Florence Ducommun 2015
Christophe Jodet & Ambre Oz ©© Florence Ducommun 2015
Ambre Oz ©© Florence Ducommun 2015
Journal Intime ©© Florence Ducommun 2015
Frédéric Gastard & Mathias Mahler ©© Florence Ducommun 2015
Frédéric Gastard ©© Florence Ducommun 2015
Guillaume Magne ©© Florence Ducommun 2015
Le Bal des Faux-Frères ©© Florence Ducommun 2015
Frédéric Gastard, Laurent Kisoka & Laurent di Carlo ©© Florence Ducommun 2015
Dominique Pifarély Quartet ©© Florence Ducommun 2015
Bruno Chevillon, Dominique Pifarély, François Merville ©© Florence Ducommun 2015
Bruno Chevillon ©© Florence Ducommun 2015
Dominique Pifarély & François Merville ©© Florence Ducommun 2015
Antonin Rayon ©© Florence Ducommun 2015
Jeff Herr & Laurent Payfert ©© Florence Ducommun 2015
Laurent Payfert ©© Florence Ducommun 2015
Laurent Payfert & Maxime Bender ©© Florence Ducommun 2015

Merci à toute l’équipe de Têtes de Jazz pour son accueil ! et rendez-vous l’an prochain pour ce moment devenu en peu de temps un incontournable du mois de juillet à Avignon.
Place à partir d’octobre pour la très belle programmation à venir de l’AJMI : à consulter ici !


Pour aller plus loin :